Le terme d'intelligence émotionnelle fit son apparition lorsqu'on commença à s'apercevoir que des personnes au quotient intellectuel élevé n'étaient pas infaillibles dans des situations concrètes où d'autres, au QI moins élevé, réussissaient. Prenons l'exemple caricatural du savant distrait présenté, entre autres, dans les bandes dessinées. En fonction de votre définition du génie, le professeur Tournesol sera ou non un génie. Mais une chose est sûre, vous aurez du mal à le considérer comme « intégré socialement ». C'est pourquoi dans l'intérêt de cette définition, nous distinguons l'intelligence dite traditionnelle de l'intelligence dite émotionnelle.
Certains auteurs concluent, d'après l'observation de ladite caricature, que l'intelligence traditionnelle ne contribue qu'à environ 20 % du succès d'une personne. Ce type de conclusion nous invite immédiatement à poser les questions suivantes : «Comment mesure-t-on le succès ?» et « Comment sait-on que le QI ne détermine que 20 % du succès ? », qui rendent plutôt contestable la validité de l'approche pseudo-scientifique d'une majorité de livres sur l'intelligence émotionnelle. Quel que soit le point que vous essayez de faire passer, il est extrêmement difficile de le prouver car la psychologie est une science humaine et donc sujette à la subjectivité.
L'intelligence classique peut être définie comme ce qui est mesuré par les tests de QI. Si vous y regardez de plus près cependant, vous découvrez que ces tests portent sur l'aptitude à raisonner de façon logique, à s'orienter dans l'espace, à analyser les capacités au langage, bref, à toute une série de compétences requises pour analyser rationnellement un problème (au sens large) et le résoudre. Mais pour résoudre des problèmes, le cognitif n'est pas tout. Nous distinguons trois phases dans la stratégie de résolution des problèmes :
1. La description du problème : assembler les faits pour bien cerner le problème (ce que nous apprenons à faire à l'école primaire).
2. La résolution du problème : proposer une solution (théorique) qui prenne en compte tous les éléments identifiés dans la première phase.
3. La mise en oeuvre de la solution : trouver un moyen d'appliquer la solution retenue.
Les deux premières étapes du processus relèvent de l'intelligence classique. Elles résultent d'une application de la pensée logique. Cependant, la troisième étape, pratique, sollicite l'intelligence émotionnelle. Ceci nous amène à définir l'intelligence émotionnelle telle que nous l'envisageons. L'intelligence émotionnelle est l'ensemble des comportements, des aptitudes (ou compétences), des convictions et des valeurs, qui permet à une personne de réaliser avec succès sa vision et sa mission personnelle, étant donné un contexte choisi. On peut ensuite distinguer :
a) L 'intelligence « intra-personnelle » qui détermine les humeurs, les émotions et les autres états d'esprit qui se manifestent en nous et leur action sur notre comportement, pour changer (ou maîtriser) ces états, pour notre auto-motivation, etc.
b) L'intelligence interpersonnelle ou sociale qui reconnaît des émotions chez l'autre et utilise cette information pour adapter son comportement et pour construire ou entretenir une relation.
L'intelligence classique
L'intelligence est restée un mystère pendant des siècles. Commençons par les questions que les gens se posent (sans prétendre apporter l'unique réponse pour chacune d'elles) :
> Peut-on mesurer l'intelligence ? À en juger par la quantité de livres parus sur le sujet, il semblerait que de nombreux auteurs pensent possible de la mesurer objectivement. Le test de QI s'intéresse à la relation entre l'âge
réel d'une personne et son âge
mental, mais les conclusions issues de ces tests sont très controversées.
> L'intelligence est-elle génétiquement déterminée ? Est-elle transmise par la mère ?
Un gène récemment isolé (le IGF2R) pourrait être lié à l'intelligence.
> Comment l'environnement influence-t-il l'intelligence ? Certains éléments tels que les parents, l'éducation, les amis jouent un rôle. Mais qui peut dire lequel ? On ne peut avoir aucune certitude sur ce point.
Quoi qu'il en soit, les scientifiques semblent d'accord sur le fait que les deux facteurs qui interviendraient au moment d'expliquer le QI d'un individu sont la génétique et l'environnement socioculturel. La question est plus aujourd'hui d'essayer de déterminer lequel de ces éléments a la plus grande influence. Dans ce débat, les partisans des différentes théories brandissent preuves statistiques et stratégies visant à démontrer que la théorie adverse n'est pas scientifiquement valable (voire que leurs instruments de mesure du QI sont défaillants du point de vue scientifique). Il est probable qu'il existe un lien génétique entre l'intelligence des parents et celle de leurs enfants, mais cela ne suffit pas pour parler d'un gène de l'intelligence. Fonder ses théories uniquement sur la génétique n'explique pas totalement la relation entre l'intelligence des parents et celle des enfants.
Nous avons cependant une bonne nouvelle pour la personne moyenne : il semblerait que le QI moyen ait considérablement augmenté depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Nous gagnerions donc en intelligence ! Une des raisons se trouve probablement dans notre environnement, avec la démocratisation de l'éducation et l'allongement de la scolarisation. Mais en même temps, cette intelligence accrue est nécessaire. En effet, d'autres études ont montré que le nombre d'emplois qualifiés a énormément augmenté sur cette période. Étant donné que les divergences d'opinion sur le sujet ne cessent de s'intensifier, la seule chose que nous puissions aujourd'hui affirmer avec certitude, c'est que la quantité de papier dépensée sur le sujet va s'accroître. Au lieu d'alimenter la controverse, nous allons plutôt concentrer notre attention sur les caractéristiques typiques d'une personne correspondant à notre définition de l'intelligence classique, d'où qu'elle vienne. Bien que l'on n'ait aucune influence sur l'origine de celle-ci, nous savons l'améliorer en apprenant des techniques qui nous permettent d'agir intelligemment et nous verrons l'apparition de nouveaux tests issus de la neurolinguistique dans les prochaines années. Ils mesureront l'intelligence en fonction de cette description et seront probablement la source d'autres désaccords quant à la mesure du Ql.
L'intelligence émotionnelle
L'intelligence classique et la pensée rationnelle ont dominé la société occidentale pendant des siècles. Freud, avec son analyse de l'inconscient, montra que nous étions plus que notre esprit rationnel. Depuis, l'évolution de la psychologie nous a révélé que les actions d'une personne ne sont pas simplement rationnelles ou logiques.
Intelligence émotionnelle semble un bon terme pour parler de nos pensées et de nos actions dites
non rationnelles, même si la source de cette intelligence a occupé les chercheurs en psychologie anthropologique et sociologique pendant ces 150 dernières années. Selon notre définition,
l'intelligence émotionnelle signifie
être capable d'atteindre son but en interagissant avec son environnement. Mais qu'est-ce en réalité ? La persévérance, la confiance en soi, l'enthousiasme et l'automotivation sont liés à votre émotionnel : si vous vous mettez dans un état
ressource, vous serez capable de persévérance, de confiance en vous-même, d'enthousiasme et d'automotivation. La définition de Peter Salovey, professeur à Yale, ajoute à ces caractéristiques de l'intelligence émotionnelle les notions de conscience de soi et d'empathie. L'empathie est
l'aptitude à identifier et à comprendre la situation d'une autre personne, ses sentiments et ses motifs. Vos talents d'observation permettront d'y arriver :
vous avez déjà
en vous les moyens de lire l'état émotionnel d'un individu. Sachez utiliser cette information pour entrer au mieux dans le rôle que la situation requiert de vous. Pour résumer, on peut dire que
l'intelligence émotionnelle est un ensemble de compétences que l'on acquiert plus ou moins intuitivement. Les meilleurs communicateurs, vendeurs, avocats, politiciens, psychologues, ont souvent développé ces compétences à un très fin niveau et les appliquent sans en être conscients.
Les personnes émotionnellement intelligentes
Elles tendent à fonder leur raisonnement sur la structure sous-jacente d'un problème et à organiser leur réponse en conséquence.
Ce raisonnement est souvent fondé sur des images et des informations visuelles.
Elles savent établir des connexions entre différents domaines ou envisager un problème selon plusieurs perspectives.
Elles font confiance à leur inconscient pour résoudre des problèmes.
Elles savent voir un problème dans sa globalité mais également zoomer sur des détails significatifs et les prendre en considération.
Elles savent généralement s'adapter facilement à de nouveaux contextes et maîtriser rapidement un nouveau domaine.
Confrontées à la difficulté de trouver une solution au problème, elles chercheront des solutions pratiques dans d'autres domaines et sauront les transposer dans le contexte initial pour arriver à la réponse.
Elles ont souvent une vision claire de l'avenir et de leur propre rôle pour contribuer au mieux à celui-ci.
Bien trop souvent, les gens manquent de persévérance au moment où ils en ont le plus besoin ou perdent le contrôle de leurs émotions dans les situations difficiles. Selon Aristote :
Tout le monde peut se mettre en colère : c'est facile. Mais se mettre en colère avec la bonne personne, avec la bonne intensité, au bon moment, pour la bonne raison et de la bonne manière, ça, c'est difficile. Un dirigeant qui perd son sang-froid non seulement n'atteindra pas son objectif mais risque en plus de perdre toute crédibilité aux yeux de ses employés. Un consultant qui voudrait faire le malin dans une entreprise, bien loin de gagner le respect des autres, suscitera sans doute leur résistance. Un parent qui utilise sa supériorité physique pour imposer sa loi à ses enfants (sous prétexte qu'il n'y a pas d'autre moyen) va s'attirer leur colère et leur ressentiment. D'autant que, à mesure que les enfants grandissent, cette supériorité physique disparaît et la stratégie
d'apprentissage cesse de marcher.
Il est donc crucial de trouver un moyen constructif d'utiliser ses émotions...
Patrick Merlevede, Denis Bridoux et Rudy Vandamme*
*Pour en savoir plus, lire :
« Découvrir et utiliser votre Intelligence émotionnelle »,
Editions du Dauphin