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La psycho
dans Signes & sens
Les attitudes d'évitement
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L'autruche, ce pauvre oiseau qui n'en est d'ailleurs pas un puisqu'il ne vole pas, se retrouve affublé d'une expression peu valorisante pour son image mais qui marque bien son attachement à... « l'élément terre ». Entendez-le comme il vous conviendra…
La politique de l'autruche qualifie, en effet, un certain type de comportement qui consiste à mettre la tête sous taire, ce qui au bout du compte est une attitude assez répandue. Qui, en effet, n'a jamais, au cours de son existence, été tenté par cette stratégie plus ou moins consciente qui se traduit par une fuite bien particulière : ne rien voir, ne rien entendre et ainsi ne rien exprimer ? C'est pratique, cela laisse supposer un accord tacite et permet pour le moins de se défiler, de fuir le risque dans le cas d'une confrontation spontanée et par-là même imprévue. Il faut dire que ce processus d'évitement est particulièrement redoutable lorsqu'il s'agit de ne pas s'engager.
Le jeu du transfert
Certains thérapeutes psy pourraient être tentés, sous couvert de neutralité bienveillante, d'y avoir recours pour permettre, inconsciemment, le détournement d'affects qu'ils ne sauraient assumer. Citons pour exemple le silence pratiqué comme stratégie au cours de la cure. Le thérapeute attend coi (qu'attend-il ?), est en retrait presque absent. Je vous écoute..., oui... ! Mais un analyste, digne de ce nom, reste vigilant. Lorsqu'il s'engage il est pourtant toujours à sa place car son propos s'inscrit dans un principe de réalité. On ne peut aider l'autre à franchir cette épreuve que lorsqu'on en a soi-même intégré les fondements et qu'on assure une présence effective pendant la séance. Le travail d'interprétation s'adresse à l'inconscient et ne représente rien qui s'apparenterait à une politique de l'autruche. Ce n'est évidemment pas non plus une réponse explicite au besoin de l'analysant qui peut, lui, avoir l'impression que l'analyste n'a rien vu, ni même rien entendu. Dans ce cas, cela est son affaire et ne remet nullement en cause la pratique du thérapeute. Bien au contraire, c'est ainsi tout le jeu du transfert qui se met en place. En cours de séance, l'important est souvent accessoire, anodin, anecdotique, se trouve dans ce qui n'est pas dit ou dans ce qu'on a cru taire mais cela s'entend toujours au moment de l'interprétation, le mot qui ment est alors révélé. Bien entendu, c'est lorsqu'on emprunte le discours du maître qu'on ne dit plus rien de l'être. L'analyste n'est en rien concerné par cette parole là. Les phrases vides de sens (celles de certains hommes politiques, par exemple) sont une autre version de la langue de bois ou l'art du comment taire en disant. Les affects liés à l'instant qui vient de s'écouler n'y sont pas (commentaire en dix ans) et le non-dit devient permanent. L'autruche, qui a la réputation de tout avaler, n'est certainement pas celle qu'on croit. Elle est à l'image de notre fantasme...
Michel Meyer
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