« La nature nous a donné tous les organes nécessaires pour devenir humains mais elle ne nous a pas indiqué le chemin à suivre », dit Albert Jacquard. Alors, comment parvenir à cet exploit fabuleux de réussir sa vie ? L'éducation fournit des moyens pour s'instruire, se socialiser, s'adapter, trouver une place dans la société mais elle ne livre pas grand'chose pour devenir autonome, pour bien vivre avec ses émotions, prendre en compte ses besoins de reconnaissance, ses besoins affectifs fondamentaux, ses besoins de réalisation. Ainsi, nombreuses sont les personnes insatisfaites qui déplorent un manque de confiance, qui sont écartelées par des sentiments contradictoires, qui s'épuisent dans des relations difficiles, que ce soit niveau familial, professionnel ou social, qui sont déçues du fruit de leur travail...
Aujourd'hui, les sciences humaines permettent de pallier les manques de l'éducation car elles mettent à disposition des connaissances et des moyens pour consolider ou construire son autonomie, celle qui peut aboutir à se réaliser pleinement. L'être humain vient au monde totalement immature, démuni et dépendant. Pour devenir un adulte autonome, c'est-à-dire un sujet qui sait comment s'y prendre pour atteindre ses objectifs, même si existent des résistances, il lui faut vivre un double processus de croissance. Le processus de la croissance physique est clairement reconnu, évalué, suivi et favorisé si nécessaire. Nous savons à quel âge l'enfant doit tenir la position assise, «mettre» les dents, marcher, se nourrir seul, parler... Les secteurs socioprofessionnels concernés ont les compétences nécessaires pour influer positivement sur le développement humain si un incident venait à l'entraver. Il n'en est cependant pas de même, en règle générale, pour ce qui concerne le principe de la croissance psychologique. Pourtant, le schéma de construction est similaire. L'être humain doit d'abord vivre la dépendance complète à l'entourage jusqu'à onze ou douze mois. Il ne peut rien faire par lui-même. Ensuite, l'accession à la marche lui ouvre un espace dans lequel il va manifester de la contre-dépendance en agissant comme s'il était intéressé par les choses qui lui sont interdites : le feu, l'escalier, les robinets du gaz... Continuant à se développer au niveau physique, psychomoteur et cognitif, il arrive dans une phase d'indépendance qu'il met en évidence par son langage et l'utilisation péremptoire du moi, moi-je et par des attitudes égocentriques. Mais c'est aussi l'âge où cette indépendance lui permet de se séparer momentanément des proches pour aller vers les autres, comme l'école maternelle, par exemple. Ainsi, il peut découvrir une étape encore différente de l'autonomie : l'interdépendance. Il est alors capable d'adaptations tout en sachant s'affirmer. Il peut ainsi accepter la discipline de la classe, se taire, apprendre des choses grâce à la maîtresse et ensuite être fier de ses acquisitions et de son savoir.
Ce sont là les étapes de base indispensables pour l'éducation de l'autonomie. Tel le cycle des saisons dans un espace-temps relatif et qui, de facto, peut nous échapper, ces étapes vont revenir aux différents âges de l'existence, en particulier dans la vie affective et professionnelle... Une évidence s'impose : «On ne domine la nature qu'en acceptant ses lois».
Simone Mortera
Olivier Nunge