Le regard,
indice de notre gourmandise…
sexuelle !

Les psychanalystes le savent : on ne peut s’aimer narcissiquement que comme, enfant, on s’est senti aimé libidinalement par sa mère. Nous voilà d’entrée de « je » dans le jeu du regard. Ainsi, très précocement, en va-t-il déjà de nos élans psychosexuels ! On s’en doute, l’enjeu affectif est de taille et découlent de cette singularité du démarrage de la vie, nos coups de foudre, nos émotions positives ou négatives, nos choix amoureux, nos retraits libidinaux, nos attirances sexuelles ou toute répulsion de même registre. De fait, le regard, ça se décrypte.

L’univers esthétique féminin utilise d’ailleurs le baromètre unique que sont les yeux qu’il n’oublie jamais de valoriser. Et si le maquillage connaît ses modes, il s’agit toujours ici de mettre en valeur la profondeur de l’iris. Toutes les grandes marques de cosmétiques rivalisent dans ce domaine et leurs conseils vont bon train.

Le regard

Au début des années 60, Franck Alamo chante « Biche, ô ma biche » et la France entière fredonne avec lui : « Lorsque tu soulignes au crayon gris tes jolis yeux, biche ô ma biche, moi je m’imagine que ce sont deux papillons bleus ». Et la chanson ne manque pas de parler « des yeux de l’amour »... Inutile de rappeler le couple mythique Michèle Morgan / Jean Gabin et son célèbre : « T’as de beaux yeux, tu sais »… Quant aux designers de lunettes, qui deviennent de plus en plus inventifs, ils usent et abusent joliment de notre myopie ou autre astigmatisme pour jouer de l’artifice et faire de nos faiblesses un atout charme. Les lentilles se colorent et les lunettes de soleil, déclinées sous toutes les formes au gré des saisons, deviennent arme secrète : il y a une impulsion certaine à découvrir ce qui se cache derrière cet écran ambivalent car s’il masque, il accentue aussi la part mystérieuse et inviolable abritée à l’intime de soi.
Le regard se décline selon nos humeurs, nos objectifs, nos perspectives. Tour à tour gourmand, timide, provocateur, séducteur, assoiffé, limpide, subtil, rusé, félin, il révèle quoi qu’il en soit notre appétit... sexuel ! Assurément... Qu’il renvoie du SOS, de la détresse ou, au contraire, de la volupté, il a une capacité à emmagasiner suffisamment d’énergie pour vivre et assouvir les passions amoureuses les plus folles. Le regard, que l’on peut dire captif ou capteur, présente la propriété précieuse de posséder à l’origine des photorécepteurs soumis à stimulus lumineux. Ce type de récepteur sensoriel entre dans un schéma particulier qui classe des cellules spécialisées dont la fonction est de déclencher une réaction d’excitation, tel un messager, en lien avec un émetteur auquel elle est réceptive sensitivement. Pour exemples, on peut trouver, selon une fonction souvent similaire, les intérocepteurs qui réagissent, nous sensibilisent et nous parlent de nos viscères, ou les priocepteurs, localisés dans les muscles et dans les articulations, qui eux fournissent des indications quant aux mouvements de l’organisme. Le rôle de tous ces récepteurs dits sensoriels consiste à véhiculer des renseignements au système nerveux central en liaison avec les stimuli captés. C’est ainsi qu’un nerf optique stimulé engendrera un effet lumineux. Ce langage codé mais accessible s’apparente à un véritable baromètre. Ainsi en est-il de nos pupilles qui peuvent nous en faire voir ou en faire voir de toutes les couleurs, à quelques nuances près cependant !

Une mise en scène subtile

Quand les pupilles se dilatent, nous voilà prêts à entrer en amour et la labilité du regard traduit déjà nos intentions séductrices. Il a fallu, pour que cette mise en scène s’exprime, que des regards se soient croisés au préalable, tandis que l’émetteur et le récepteur seront – ou pas – en phase. Le couple attraction-attraction ou attraction-répulsion se mobilise. La profondeur du regard se fera de plus en plus intense et tentaculaire ou, à l’inverse, la libido du récepteur ne se laissera pas prendre par cette invitation ; son regard se détournera, feignant l’indifférence comme une injonction à passer son chemin. Mais, ensorceler l’autre reste possible et si l’appétit sexuel se fait gargantuesque, tous nos sens vont se mobiliser et fédérer pour assouvir nos élans de plaisir les plus débridés. Le regard se veut insistant, insolent, plus ténébreux ou océanique en fonction de la couleur naturelle des yeux, manipulateur aussi car il s’agit maintenant de roucouler coûte que coûte ! Cet instinct sexuel nous déculpabilise lorsqu’il se montre injonction car, du moins le croit-on, il y va de notre équilibre de vie... Faux, dira Jacques Lacan qui, à la suite de Freud, expliquera que la sublimation d’une situation de frustration, tout aussi insupportable soit-elle, rend aussi heureux (voire plus) que le résultat forcé d’une relation amoureuse, affective, sexuelle ou même sociale, convoitée à n’importe quel prix. Les étincelles ne doivent rester que métaphoriques. Quant aux paillettes dans les yeux, elles peuvent nous faire jouer avec le feu et à vouloir « stariser » l’élu(e) sur lequel ou sur laquelle nous avons jeté notre dévolu, on peut à défaut de s’embraser ou de s’embrasser, ou encore de s’enflammer, flamber pour notre plus grand désespoir... Autrement dit, nos propres réservoirs libidinaux, tout aussi remplis de bonnes intentions soit-ils à l’égard de l’autre, peuvent nous jouer bien des tours. Ainsi, permettez-moi un petit conseil : gare au regard !

 

Chantal Calatayud