L'expression sonne comme le bruit que font deux pièces de métal qui s’entrechoquent, laissant planer une ambivalence entre aliénation et parure. Le style bling bling fait aujourd’hui partie du paysage médiatique. Étant presque devenu un concept, les personnalités du showbiz, des affaires, voire de la politique, n’y échappent pas. Ce qui fait les beaux jours de la presse people… et de ses lecteurs !
Véritable phénomène de société, la mode s’est emparée du style bling bling au point que même les grandes marques sont copiées. Mais au fait, pourquoi un tel engouement et d’où nous vient-il ?
Signe extérieur de richesse
C’est paradoxalement à travers les acteurs des cultures urbaines, nées dans les ghettos américains dans les années 80, qu’est apparu pour la première fois le terme
bling bling. Selon « The Urban Dictionary », il provient de l’argot jamaïcain et se réfère par onomatopée au bruit de l’or et à l’éclat des diamants. L’expression a été popularisée avec le succès de la chanson « Bling Bling », tube de 1999 interprété par
The BG. Jargon gangsta rap. S’il se caractérise par l’exposition ostentatoire de breloques, chaînes, bracelets, croix et autres diamants d’oreille, le
bling bling ne désigne pas que les bijoux et l’accoutrement des rappeurs, mais aussi le style ostentatoire et excessif de leur mode de vie. Le très sérieux « Oxford English Dictionary » donne, depuis son édition de 2003, la définition
tape-à-l’œil. La culture du
nouveau riche est donc en route et prend racine dans cet espoir véhiculé par les plus démunis, à savoir que tout le monde peut réussir et qu’il est bon de le montrer… Aussi le style
bling bling en tant que phénomène de mode cherche-t-il à décomplexer tout un chacun en
détabouisant en quelque sorte la notion de luxe…
Le point de vue psychologique
Pour la psychanalyse toutefois, au-delà d’un quelconque jugement, cette façon d’être renvoie à un processus d’idéalisation et de séduction certes infantile mais nécessaire. Ainsi, de tout temps, l’Homme a voulu séduire. Rien de mal à cela. Pourtant, la psychanalyse aborde les choses avec une approche singulière
. Qui suis-je vraiment ? est la question que tout inconscient se pose à un moment de son évolution. Il vaut mieux avoir le
look bimbo, par exemple, plutôt que d’avoir le sentiment de ne pas exister. C’est ce qui explique, à l’adolescence, cette uniformisation des tenues vestimentaires.
C’est à la mode, bien sûr ! Et il est avant tout question d’être reconnu par le groupe social. Il faut vivre avec son époque. Sauf que tout le monde n’a pas les moyens d’être
bling bling et qu’à vouloir s’identifier à une image, on risque d’y perdre sa différence. C’est ici que la notion de
paraître, qui n’est pas mal en soi quand cela reste au niveau d’une esthétique justifiable et justifiée, peut devenir une injonction qui peut se transformer en besoin. Si, effectivement, l’immaturité de l’enfant pousse à séduire pour se sentir aimé, il ne devrait logiquement plus en être ainsi de l’adulte… Lil Thug a 12 ans. Son premier album «Inclassable» est actuellement disponible en bacs, porté par son nouveau clip « Opérationnel ». Dans ce premier opus, le jeune homme raconte son quotidien de préado sur un mode provocateur, très
bling-bling:
Je kiffe tout ce qui brille, à mon âge c’est normal, se défend le chanteur.
Le bling-bling, chez moi, c’est juste un accessoire. Ceci posé, la mode
bling bling a de quoi stimuler l’imagination et relève d’une économie florissante.
La bling bling attitud
Comme tout mouvement culturel, le style
bling bling a inspiré les grands créateurs. Autrefois réservé aux célébrités telles Yannick Noah, Billy Crawford, Leslie et bien d’autres et face à la demande exponentielle du grand public,
la Silver ou Gold attitud n’est plus seulement aujourd’hui réservée aux artistes. Tout un chacun peut ajouter une touche
glamour à son
look à des prix abordables, même s’il faut casser sa tirelire pour ne pas tomber dans la contrefaçon. Il existe en effet une véritable économie de marché et des millions d’euros sont investis pour copier ces produits. Rançon incontournable de la gloire ?
Georges Hatier
Le style Jacques Lacan : la liberté
Adulé par les uns, critiqué, voire même trahi par les autres, Jacques Lacan ne s’en laissait toutefois pas conter. La première phrase des « Écrits » est Le style, c’est l’homme... Provocateur, Jacques Lacan n’avait de cesse de déranger, non pas pour paraître mais plutôt pour parlêtre. On aurait pu, pourquoi pas, déceler un côté bling bling dans ses accoutrements, mais il n’acceptait pratiquement jamais la lumière des projecteurs médiatiques. Venait le voir et l’entendre lors de ses séminaires qui le voulait. Lacan était un être d’accueil et laissait à chacun le soin d’en tirer les conséquences par rapport à lui-même. Aucun dogme, aucune vérité n’étaient assénés, même s’il disait que les psychanalystes en savent quand même un bout ! Il est parti seul, humble, après avoir fermé son école, laissant en héritage une œuvre mais surtout un immense exemple de liberté.