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La psycho
dans Signes & sens
Le mot « sphinx » est attribué à l'ancien égyptien «shesepankh» qui signifie « statue vivante ». Il provient aussi du grec ancien qui signifie « l'étrangleuse », dérivant du sanskrit signifiant « dissimulé ». Dans la mythologie égyptienne, le mot « sphinx » désigne un lion à tête humaine qui monte la garde aux portes du monde souterrain. Les sphinx étaient représentés par des statues de pierre. Ils incarnaient la puissance souveraine du pharaon.
Ces représentations furent d’abord chargées de veiller sur la nécropole pharaonique. C’est surtout à partir du Nouvel Empire (1552 av. J.-C. et 1080 av. J.-C., période la plus prospère de toute l’histoire égyptienne) que ces sphinx se multiplièrent à l’entrée de la plupart des temples, sous la forme de longs alignements se faisant face de part et d’autre de la voie d’accès. Dans des anciens textes mythiques d’Égypte, le sphinx pouvait provoquer des tornades de sable détruisant les villages qui étaient sur son chemin. Il est surtout célèbre grâce à la monumentale sculpture du site de Gizeth en Égypte (74 m de long et 20 m de hauteur), orienté plein Est et qui représenterait le pharaon Kephren (vers 2600 av. J.-C.) ou son père Khéops dont le corps de lion symbolise l’invincibilité. Il a été tour à tour désigné comme le symbole du Dieu Hamarkhis : le soleil éclairant le monde. Mais aussi comme le père de la terreur : Abu Alhol... En revanche, les reines furent rarement représentées sous cette forme. En tout cas, le sphinx contemple le soleil levant. La datation du sphinx de Gizeth a été remise en question par les géologues : il aurait été réalisé bien avant 2600 ans av. J.-C. Malgré les nombreux éléments, les égyptologues et historiens contemporains ne modifient pas leurs données. Une autre énigme demeure, il s’agit de la disproportion de la tête actuelle avec le reste de la statue.
Le sphinx grec
Dans la mythologie grecque, il s’agit d’un sphinx féminin appelé soit la sphinge, soit le sphinx, soit la sphinx. Elle tire son origine d’un motif fabuleux tout à fait différent du sphinx égyptien. Cette créature fantastique est nommée phix dans le dialecte béotien. Elle est représentée avec un buste de femme, un corps de lion et des ailes d’oiseau. C’est Evhémère, mythographe grec (316 av. J.-C.), un des premiers à souligner que ces légendes et autres contes magiques décrivent de fait l’évolution de la pensée humaine. Il faut noter la spécificité de la sphinge : c’est un monstre symbolique qui parle (ce qui est rare dans la mythologie). Ce monstre souligne la différence entre le monde animal et l’humanité (langage) et la présence de la part féminine de l’homme, rappelant que la femme est indispensable à l’homme dans toutes les étapes de la vie. Ce sphinx appartient à la famille des esprits malveillants, comme les sirènes ou les harpyes (divinités dévastatrices). Ce n’est pas par la force que ces esprits malveillants sont battus mais par l’intelligence raisonnée. On représentait la sphinge, souvent ailée et toujours sous les traits d’une femme, d’une démone de la mort qui attendait au bord du chemin, posant des énigmes au passant et dévorant tous ceux qui ne pouvaient les résoudre, jusqu’à ce qu’Œdipe en triomphe grâce à son habileté et à la puissance de sa parole. Le sphinx symbolise ainsi l’énigme que l’humanité doit résoudre car il provoque la personne interrogée pour lui faire découvrir le sens de son existence. Il a été souvent représenté en peinture et en sculpture sous les traits d’une femme-lion à la poitrine généreuse et au sourire mystérieux.
Œdipe et le sphinx ou la sphinge
La sphinge a été envoyée par Héra en Béotie à la suite du meurtre du roi de Thèbes : Laïos. Elle commence à ravager les champs et à terroriser les populations. Ayant appris des muses une énigme, elle déclare qu’elle ne quitterait la province que lorsque quelqu’un l’aurait résolue, ajoutant qu’elle tuerait quiconque échouerait. Le régent, Créon, promet alors la main de la reine veuve Jocaste et la couronne de Thèbes à qui débarrasserait la Béotie de ce fléau. De nombreux prétendants s’y essaient mais tous périssent jusqu’à l’arrivée d’Œdipe. Le sphinx lui demande : Quel être, pourvu d’une seule voix, a d’abord quatre jambes, puis deux jambes, et trois jambes ensuite ? Il s’agit de l’Homme. De fait, lorsqu’il est enfant, il a quatre jambes car il se déplace à quatre pattes, adulte, il marche sur deux jambes ; quand il est vieux, il a trois jambes, lorsqu’il s’appuie sur son bâton…
Furieux de se voir percé à jour, le sphinx se jette du haut de son rocher (ou des remparts de Thèbes selon les auteurs) et meurt. C’est ainsi que, Créon tenant sa promesse, Œdipe contracte avec sa mère Jocaste une union incestueuse.
Les interprétations proposées
Cet affrontement entre Œdipe et le sphinx diffère fondamentalement de la plupart des autres affrontements mythologiques. En effet, si Héraclès, Persée ou Thésée battent leurs adversaires par la force, Œdipe, à l’instar d’Ulysse, triomphe avant tout par son astuce et sa sagacité. On parle de métis, c’est-à-dire d’une ruse par l’intelligence. La métis consiste en particulier à se mettre dans la peau de l’autre, à adopter un instant sa vision du monde pour imaginer ce qu’il ne va pas voir, ce qui va lui échapper. Une condition nécessaire au déploiement de la métis est le plus souvent la nécessité de sauver sa peau. Œdipe a su répondre à l’énigme du sphinx mais a-t-il réellement sauvé sa peau pour autant au vu de la suite de son histoire de vie ? La légende nous précise qu’il s’est crevé les yeux ; quant à sa mère-épouse Jocaste et leur fille Antigone, elles vont se pendre, s’étrangler. Pour certains, Œdipe a raté son initiation, son rite de passage avec le sphinx. Œdipe ne tue pas le monstre, c’est la sphinge qui se tue elle-même. Ce qui est rare dans la mythologie.
En résumé, le sphinx égyptien a plutôt une vocation funéraire, alors que le sphinx grec représente un affrontement intellectuel. En fait, la question du sphinx concerne l’existence du sujet : d’où venons-nous, où allons-nous ? Pour ceux qui sont intéressés par la légende de la fin de vie d’Œdipe, Henry Bauchau propose un itinéraire qui est une interrogation sur l’individu et son destin.
Mireille Séjalon
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