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La psycho
dans Signes & sens
Pourquoi l’échec scolaire ?
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Un idéal louable consiste à vouloir mettre tous les élèves sur un même pied d’égalité en matière d’épanouissement scolaire. Pourtant, certains continuent à « galérer » à l’école et au collège, malgré la mise en place d’heures supplémentaires de soutien. L’échec scolaire inquiète d’autant plus grand nombre de parents que les différentes aides apportées par le psychologue scolaire, l’enseignant spécialisé ou le rééducateur, ne génèrent pas toujours la réponse espérée.
Selon la psychanalyse, cette forme particulière de résistance à l’apprentissage ne relève cependant pas d’une fatalité. Lorsqu’un enfant échoue à l’école, c’est simplement qu’il tente de dire, avec ses moyens du moment, qu’il veut réussir ailleurs…
Échouer c’est réussir !
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, échouer de manière objective consiste à réussir de manière subjective. Le psychanalyste Jacques Lacan ne dit-il pas à propos de l’acte manqué qu’il s’agit d’un « discours réussi »... Tout symptôme est effectivement à prendre, pour le spécialiste de l’inconscient, comme une façon qu’a le Sujet de donner à voir qu’un conflit interne le perturbe. Ce symptôme est à respecter comme relevant d’un mécanisme de défense mis en œuvre pour lutter contre une angoisse insupportable. Le psychanalyste ne s’occupe donc pas directement, à l’inverse des instances pédagogiques, de l’échec scolaire qui cache effectivement un sens. Le positionnement psychanalytique peut étonner des parents légitimement inquiets mais il s’agit pourtant du seul moyen d’amener un peu de paix chez un enfant stigmatisé par l’étiquette de la difficulté d’apprentissage. Cette première approche singulière a souvent pour effet une dédramatisation salvatrice car l’enfant, plutôt que l’élève, intéresse en premier lieu le psychanalyste. De fait, le symptôme perd de son effet réactionnel et défensif. Mis en confiance, le jeune analysant livre progressivement ce qui le gêne vraiment, sans subir la pression institutionnelle et parentale.
Un conflit interne
Quand un enfant a des difficultés pour apprendre à lire, l’erreur d’appréciation consisterait à mettre cette situation sur le compte d’un manque d’intelligence. Il s’agit plutôt de l’expression d’une vie inconsciente perturbée par des luttes incessantes, livrées à l’insu du conscient. Il est donc inutile d’asséner à un enfant qu’il n’a pas les capacités intellectuelles suffisantes s’il échoue ! Ce jugement ne ferait que majorer l’angoisse. Il est intéressant dans ces cas-là de réaliser que se conformer à une norme normative n’assure pas systématiquement une réalisation sociale et professionnelle. Les parents, les enseignants, les élèves eux-mêmes, ne sont ainsi pas à culpabiliser lorsqu’un élève ne répond pas aux critères environnants.
Restaurer l’estime de soi
L’estime de soi reste l’ingrédient essentiel de tout sentiment de réussite. Aussi, l’adulte tutélaire – quels que soient son rôle et sa fonction – se doit d’aider à restaurer un narcissisme mis à mal par une trop grande importance accordée à l’échec scolaire. Pour cela, il est indispensable d’insister sur les domaines – et il en existe suffisamment ! – où l’enfant se trouve valorisé. D’ailleurs, Edwige Antier, dans son ouvrage «J’aide mon enfant à s’épanouir», publié aux Éditions Robert Laffont, reprend le discours de Françoise Dolto qui affirmait qu’un enfant est toujours bon en quelque chose. Ce peut être dans la sphère artistique, sportive, manuelle, peu importe pourvu qu’il y ait une authentique reconnaissance. Il est impressionnant de voir des relations parents/enfant se transformer positivement à partir de ce simple constat. Une pédagogie éducative basée sur la réussite ne privilégie pas systématiquement les matières dites intellectuelles. Une autre attitude bénéfique consiste à rencontrer l’enseignant en présence de l’enfant ou de l’ado de manière à ce qu’un lien s’établisse et que d’éventuelles solutions soient proposées au sein même de l’établissement scolaire. Il est essentiel que l’élève en difficulté ait son mot à dire à ce sujet dans la mesure où il est le premier concerné, son adhésion au projet éducatif de réussite restant indispensable. Si la difficulté persiste, faire appel à un tiers spécialisé en psychopédagogie permet aussi de dédramatiser. Quoi qu’il en soit, il est essentiel de lâcher prise sur l’idée que réussir ses études équivaut à réussir sa vie. Aider un enfant à s’épanouir, écrit encore la pédiatre Edwige Antier, c’est accepter qu’il ne soit pas parfait…
Philippe Delaunay
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