Il suffit pour un enseignant de faire une rentrée scolaire de petite section maternelle pour prendre la mesure de ce que peut être une phobie extériorisée par des cris, des manifestations de terreur, face à un monde inconnu. Certains enfants sont capables de pleurer toute une matinée tant la souffrance de la séparation est intense.
L'angoisse de dissociation, vécue par tout nouveau-né à la naissance, est bien à l’origine de toute phobie, dans la mesure où ce traumatisme premier est réactualisé lors du moindre changement. Or, le monde scolaire peut être déclencheur de comportements qu’il serait bon de prendre en compte dans toutes leurs complexités. La phobie scolaire est un de ceux-là…
Qu’est-ce la phobie scolaire ?
Issu du grec
phobos, le terme
phobie sert à désigner un ensemble de troubles psychologiques liés à une peur irrationnelle. Il s’agit, pour la psychanalyse, d’un mécanisme de défense dont il convient d’élucider le sens. Elle est le produit d’un complexe intérieur que l’on projette vers l’extérieur en le déplaçant. Ainsi, Freud, dans Cinq Psychanalyses, publié aux Presses Universitaires de France, interprète la phobie du petit Hans (peur des chevaux) comme étant un substitut à l’angoisse éprouvée par rapport à son père. La phobie peut prendre de multiples formes : agoraphobie (peur de se retrouver dans un lieu fréquenté), claustrophobie (peur des lieux clos)… La phobie scolaire touche une minorité d’enfants (de 2 à 5 %) mais le symptôme est de taille. Elle est à différencier de l’école buissonnière dans le sens où le sujet veut consciemment aller à l’école mais en est empêché par une peur panique. Cette attitude peut se révéler très invalidante. Elle génère de véritables manifestations somatiques, telles que de réelles douleurs abdominales, des vomissements et des diarrhées. Le sujet vit des moments de terreur lorsqu’on veut le contraindre. Les symptômes disparaissent lorsque l’enfant n’est plus obligé d’affronter sa phobie.
La désensibilisation ou recherche du sens
Plusieurs possibilités de prise en charge thérapeutique permettent de prendre en charge une telle situation. Un médecin psychiatre peut prescrire un médicament adapté ou une psychothérapie. Une autre approche de soin, appelée désensibilisation, terme emprunté aux traitements des allergies, consiste à confronter le patient, dans la réalité ou dans l’imaginaire, à la situation angoissante. Par exemple, devant un patient sujet à des crises de panique, le thérapeute lui apprendra à contrôler sa respiration, avec des exercices simples. Ceux-ci peuvent lui permettre de contrôler la crise en quelques minutes, puis, progressivement, d’empêcher son apparition. Si les techniques de désensibilisation peuvent pallier une urgence, elles ne règlent pas pour autant le problème sous-jacent. À trop vouloir désensibiliser – terme ambivalent que l’on peut entendre autrement (ôter le sens) –, on prend peut-être le risque de déplacer le symptôme. Voire de le faire grossir et de se retrouver
in fine avec une pathologie encore plus lourde. L’idéal serait de travailler dans le sens d’une complémentarité et de pouvoir laisser le choix au patient quant à sa prise en charge. Une investigation d’inspiration psychanalytique pourrait ainsi aider le malade à identifier ce qui se cache derrière son symptôme. Pour la psychanalyse, il ne sert à rien de demander à un phobique d’affronter sa phobie. Une cure analytique aura l’avantage de dédramatiser la situation dans la mesure où le traitement ne va pas s’attaquer au symptôme mais permettre au contraire au patient de verbaliser ce dont il est question à son insu. S’il veut consciemment aller à l’école, c’est bien que quelque chose de plus fort que lui l’en empêche. Or, Freud a postulé à partir des rêves, des actes manqués, des lapsus, c’est-à-dire qu’est logé en nous un mécanisme qui tire les ficelles : l’inconscient. Un psychanalyste est formé à l’écoute de cet inconscient. Il saura entendre, au travers des productions langagières, le sens à donner à cette phobie. Il s’agit d’une autre forme de désensibilisation qui donne d’excellents résultats, pour peu que le sujet et l’entourage y adhèrent.
Gilles Prat