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La psycho
dans Signes & sens
« L’influence correctrice
du paiement »
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Une analyse s'apparente de fait à la notion d'investissement qui s'établit notamment par un engagement pécuniaire. L'argent déclenche facilement l'imaginaire ; il peut être synonyme de « paraître » ou encore entraîner jalousie et rivalité. L'argent donne le poids des « maux », ce qui, dans la cure, anime, entre autres, le transfert. C'est en 1913 que Freud supprime la gratuité des séances, introduisant ainsi « l'influence correctrice du paiement »...
Autrefois, lorsque la psychanalyse n'existait pas, les problèmes de l'âme étaient traités déjà en terme de rachat, témoin Jésus lui-même offert en rançon pour le salut de l'Homme.
Au service du principe de réalité
On peut donc légitimement avancer que la cure analytique, dans son souci de ne pas briser la chaîne des signifiants, s'inscrit, quoi qu'on en dise, dans la tradition judéo-chrétienne. Il est donc question de se racheter... Pourtant, Freud, dans l'importance qu'il accorde à l'acte du paiement, apporte une différence essentielle : en effet, là où la religion utilise la culpabilité, l'analyse parlera plutôt de responsabilité, l'analysant fixant lui-même le coût de son individuation. Le fait de payer libère de toute dépendance à l'analyste : ce dernier, ayant « réglé » son fantasme de toute-puissance, n'est pas le Sauveur escompté ; il n'apporte aucune réponse et malgré tout, il est indispensable de s'acquitter. L'argent est donc investi du pouvoir du principe de réalité.
Un simple moyen d’échange
L'argent est du domaine de l'avoir, alors que le sens de l'analyse est de révéler l'être ; il va donc falloir lâcher-prise, désinvestir l'argent des affects jusqu'à ce qu'il redevienne ce qu'il est, c'est-à-dire un simple moyen d'échange qui n'aura que la valeur qu'on voudra bien lui accorder. Si la cure relève de l'illusion, il est évident que l'argent sera illusion aussi et même s'il contribue quelquefois au bonheur, l'analysant aura la certitude qu'il ne le fabrique pas. Payer, en analyse, va consister donc à corriger son point de vue sur la toute-puissance illusoire et, au contraire des sectes, permettre de se détacher de la moindre soumission. Ainsi « l'influence correctrice du paiement » est-elle une réalité très éloignée de ce qui peut-être véhiculé par un certain charlatanisme dénoncé par le maître de la psychanalyse lui-même...
Gilbert Roux
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