La psycho
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      Donner sens
      aux mensonges de l’enfant

      Donner sens aux mensonges de l’enfant ?
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      Philippe avait affirmé à sa maîtresse d'école qu'il avait un âne sur son balcon situé au 11ème étage... Sa conviction était telle que l'institutrice interrogea les parents qui, bien évidemment, démentirent. Mensonge ? Mythomanie ? Imagination débordante ? Selon la définition du «Petit Larousse», «le mensonge constitue l'action de mentir, d'altérer la vérité. C'est aussi une affirmation contraire à la réalité».

      Quel est l'enfant qui n'a jamais menti ou affabulé ? Quel sens se cache derrière les histoires de nos chers petits ? Et, surtout, quelle importance doit-on leur accorder ?

      L'apprentissage du langage


      Le langage offre à l'enfant, outre la possibilité de formuler ses demandes, ses désirs, ses intentions, une ouverture vers la vie imaginaire lui permettant d'enrichir sa construction psychique. L'être humain est un être parlant et le langage renvoie à la pensée inconsciente. Autrement dit, la structure langagière témoigne de l'organisation de l'inconscient. D'ailleurs pour Lacan, « l'inconscient est structuré comme un langage ». À partir de ce postulat, il est logique de considérer que le mensonge ou l'histoire chez l'enfant masque une signification à laquelle il convient de s'intéresser. Ainsi la parole lui donne-t-elle une forme de pouvoir puisque le petit d'Homme, en parlant, signifie son intention mais il remarque qu'il peut aussi choisir de « ne pas dire » ou d'inventer. C'est alors, vers l'âge de 3 ans, qu'il peut d'ores et déjà se différencier de l'autre (de sa mère, puis de son père) en acquérant une forme de subjectivité. Jusqu'à 5/6 ans environ, l'enfant n'a pas véritablement conscience du mensonge. En effet, il ne distingue pas encore la réalité de l'imaginaire. Il sait ce que signifie le mot « mensonge » par l'acquisition de l'éducation parentale mais, pour lui, à ce stade, le mensonge ne constitue pas encore une mauvaise intention. Il ne distingue pas le vrai du faux dans le sens où il n'a pas véritablement intégré la notion du bien et du mal liée, dans un premier temps, à la parole. Pour lui, s'inventer un monde virtuel peut faire partie du jeu et le projeter dans un univers où il pourra satisfaire ses désirs, tout autant que ses frustrations, échappant ainsi à la toute-puissance et à la dépendance de l'adulte. On peut même avancer que le mensonge est d'une certaine façon naturel pour lui ; tout enfant joue à faire semblant et va volontairement fausser la réalité pour la faire correspondre à ses attentes, pour l'enjoliver, la rendre plus en adéquation avec ses fantasmes ou, en tous cas, moins désagréable. Ce n'est que l'intériorisation des limites qui lui fera respecter la réalité de sa vie.

      Pourquoi mentir ?


      À l'âge du cours préparatoire, la morale inculquée par les parents prend effet pour l'enfant. Le mensonge, à ce moment-là, revêt une forme différente car l'enfant a la perception de la réalité et peut faire la différence entre ce qui existe et ce qui n'est que pure fiction. Le mensonge représente un évitement, donc une protection, face à une situation conflictuelle difficilement surmontable. Il s'impose comme une nécessité pour le petit d'Homme pouvant d'ailleurs servir différentes causes :
      > par protection : l'enfant a besoin de se préserver de l'extérieur qui peut être perçu dangereux. Ouvrir une porte vers son imaginaire l'aide à surmonter le réel, l'existence. Il échappe aux frustrations trop brutales du monde qui n'est pas encore tout à fait le sien. Ce monde factice est rassurant car, en premier lieu, il le crée lui-même, avec ses règles du moment.
      > par peur d'être puni. Pour exemple : « Ce n'est pas moi qui a fait la bêtise, c'est ma main », disait ce petit garçon de 4 ans à sa maman...
      > par identification : l'individu forme sa personnalité sur des représentations familiales idéalisées.
      > pour se conformer aux désirs parentaux : voulant faire plaisir à ses parents, il va chercher à ressembler à l'enfant idéal, adoptant une attitude « faux self », quitte à se raconter des histoires, juste pour ne pas décevoir... C'est le cas d'un enfant inhibé qui recherchera à travers le mensonge à se valoriser et tentera de faire correspondre son « idéal du moi » à la réalité : un père plus riche, une voiture plus belle, une maison avec piscine (alors que ses conditions de vie sont modestes)... sont des exemples courants ! Cet idéal sera, on s'en doute, très subjectif : c'est la représentation qu'il se fait de lui-même (pour ne pas souffrir d'une situation qui lui apparaît pénible) ou qu'il fantasme que ses parents ont de lui ; quoi qu'il en soit, cette vision ne correspond en aucun cas à la réalité. Affabuler serait un processus qui ancre le sujet dans sa construction psychologique. Celui-ci ment en fonction de ses désirs ou de ses peurs, toujours par rapport à sa réalité psychique et non à la réalité extérieure. Ainsi, le mensonge peut se présenter sans aucun souci de réalisme, de cohérence mais être raconté avec légèreté, amusement ou désinvolture... Il y a, dans le mensonge, la jouissance que tout désir devient alors réalisable. Ce n'est qu'à partir de la pré-puberté que le mensonge s'avère intentionnel ; il se révèle même un passage inévitable dans le sens où il correspond aussi, et paradoxalement, au développement intellectuel de l'individu.

      Le mensonge n'est pas un symptôme


      Rassurons les parents qui s'interrogent sur la propension qu'a leur enfant à affabuler facilement. Celui qui ment témoigne d'une bonne adaptation à la vie sociale : le mensonge l'aide, d'une certaine manière, à se structurer et à repousser le réel pour ensuite mieux l'appréhender ! Nous avons tous des fantasmes dont le but est de protéger notre narcissisme mais aussi de réaliser nos désirs. Ces désirs nous propulsent vers un projet de vie. Il est indispensable que les parents laissent une belle place au rêve, à l'imaginaire... à condition toutefois que ce type de comportement ne soit pas pathologique et ne nuise pas à l'équilibre de la famille.
      Un enfant qui ment n'est pas un menteur ; il serait facile de le « cataloguer » dans un registre mauvais, alors qu'il faut chercher à comprendre ce qui le pousse à inventer sans cesse des histoires. L'enfant raconte avec ses mots ce qu'il a cru percevoir. Selon Winnicott, tout petit d'Homme vit simultanément dans deux mondes : celui que nous partageons avec lui et aussi son propre monde imaginaire. Nous, adultes, ne devons pas insister sur la perception exacte de l'extérieur face à un enfant de 3 ou 4 ans ; en effet, il n'a pas besoin de savoir. L'important est de ne pas lui imposer trop tôt la réalité. Les anciens disaient d'ailleurs souvent : « Il a le temps de grandir »...
      Lorsque les parents veulent bien se joindre aux jeux de l'enfant, c'est parce qu'ils savent aussi pénétrer son univers et y participer en connaissance de cause. Ce partage et cette participation doivent cependant rester suffisamment infimes pour ne pas permettre à leur chérubin d'être dans la confusion de ces deux mondes. L'adulte joue un grand rôle dans la constitution de l'imaginaire de l'enfant ; il est même le premier à lui présenter des personnages qui ne sont que pure fiction : le Père Noël ou le Marchand de sable... L'enfant fait confiance, il croit sans vérifier l'exactitude. Cette confiance accordée au parent entraîne chez celui-ci une responsabilité évidente : dans quelle mesure et jusqu'où est-il autorisé à dire des mensonges et, par-là même, quelles limites doit-il donner, poser, imposer, à l'enfant quant à l'utilisation de son imaginaire ?
      Si le parent sait lui apprendre en temps voulu à faire la différence entre faits réels et imagination, l'enfant saura qu'il n'existe pas une seule sorte de vision de la réalité. Savoir qu'un enfant, souffrant de solitude et d'isolement intérieurs, peut déclencher son imaginaire plus facilement, est un paramètre à prendre en compte au sein du couple parental. Le mensonge n'amène cependant pas forcément à la mythomanie, les cas mythomaniaques restant rares. Ils se développent en général à l'adolescence et se caractérisent par des troubles profonds de l'identité. Le mythomane est dans une bulle fantasmatique, bulle très narcissique dans laquelle réel et fantasme ne sont pas différenciés. Dans tous les cas, la mythomanie résulte d'un besoin de reconnaissance extrême mais il s'agit d'une reconnaissance ambiguë car le sujet stagne dans l'illusion.
      En conséquence, l'enfant qui possède une imagination assez riche, qu'il utilise d'autant plus dans le jeu, est un enfant capable d'élaborer une manière toute personnelle de vivre. Face à ses petites inventions verbales, l'entourage doit savoir se montrer tolérant à condition, encore une fois, que le mensonge ne révèle pas de névrose manifeste et n'objective pas de dysfonctionnement structural psychique chez l'enfant. Lui signifier que l'on n'est pas dupe de ses histoires, émettre des doutes quant à la véracité de ses propos, sans pour autant le traiter de menteur, paraît être un point d'équilibre important dans la relation parents/enfant. Il est bien entendu qu'être à l'écoute du langage de l'enfant reste une source inépuisable de surprise. La richesse des débordements de son imagination et la manière dont il les formule nous font souvent sourire ou rire, nous ramenant incontestablement à l'enfant que nous avons été... D'ailleurs, nous n'en sommes pas dupes...

       

      Bénédicte Antonin

       

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