Le chocolat, douceur fondante et sucrée qui excite nos papilles et développe nos sens, se mange, se croque, se savoure délicatement ou s'avale goulûment, mais laisse rarement indifférent. Source de réconfort, il est lié au plaisir de la bouche. Empreint de rondeur, il nous renvoie indéniablement au souvenir du sein maternel, nourriture sécurisante. Le goût puissant du chocolat apaise immédiatement, donne une sensation gustative délicieuse, guérissant les vagues à l'âme ou comblant un manque affectif. Combien de tablettes de chocolat sont-elles englouties lors d'un chagrin d'amour ? C'est que le chocolat stimule une énergie affective et, à l'instar de la madeleine de Proust, il réveille en nous des images de l'enfance : pas un goûter d'anniversaire n'est fêté sans gâteau au chocolat et l'on imagine facilement la gourmandise du petit enfant réclamant le fond de la casserole... Ultime récompense, le chocolat se mérite !
Dans l'inconscient collectif, l'une des vertus du chocolat permet de rendre les hommes plus virils et les femmes moins inhibées... Ainsi présenterait-il des caractéristiques aphrodisiaques ! Il existe de toute façon, en trace mnésique enfouie à l'intérieur de soi, un lien, un écho, entre la saveur sucrée et la psychosexualité : ce lien primordial oral, ce lien/plaisir s'étaye sur une zone particulièrement érogène, la bouche. Cette gourmandise, qui a traversé les siècles et subi maintes alchimies, comble la plupart d'entre nous et devient une délectation redoutable en ces moments de fêtes...
Un caractère sacré
Le chocolat est très ancien : il naît en 2000 avant JC dans l'empire Maya. Son nom latin
théobroma, « nourriture des dieux », est évocateur de l'importance que lui accordaient les civilisations. C'est d'ailleurs le dieu de la végétation qui aurait appris aux Hommes comment cultiver le cacaoyer à l'ère précolombienne. Le caractère sacré du chocolat s'exprime à travers les différentes civilisations :
- Les fèves de cacao servaient d'offrandes pour les grands passages rituels de l'embryon à la naissance, de l'enfance à la puberté.
- Les Toltèques firent du cacaoyer un symbole de la réincarnation terrestre au monde végétal.
- Chez les Bribris, le cacao est un élément médiateur entre ciel et terre, entre nature et Homme. Il est source de fertilité et de vie.
- Les Aztèques apprirent les propriétés hydratantes du beurre de cacao mais aussi ses vertus curatives (cicatrisation des brûlures, soin contre les morsures de serpent...)
- En Amérique Centrale, la cabosse devient une monnaie d'échange.
Le tour du monde
Malgré le caractère hautement symbolique de cette fève, Christophe Colomb, lorsqu'il accoste au Nicaragua, n'y prête pourtant guère attention. C'est à Hernan Cortès que l'on doit la découverte du chocolat. Pris pour un dieu à son arrivée sur les îles du Tabasco, il est conduit au palais et goûte le breuvage épais au miel, épices et piment. Dès lors, des sacs entiers de fèves seront emportés vers l'Espagne. Mais à la Cour de Charles Quint, ce chocolat, censé donner des forces et permettant d'approcher les femmes, est trop amer pour les Espagnols. Les Mexicains satisferont leurs goûts en remplaçant le poivre par du sucre, de la vanille, de la fleur d'oranger et du musc. Le chocolat sera introduit en France par les Hollandais, alors en guerre contre l'Espagne catholique. Puis l'Italie sera séduite à son tour... En 1606 apparaissent les premiers chocolatiers. Quelques années plus tard, le chocolat traverse les frontières : Allemagne, Pologne. À la Cour des rois de France, Louis XIII est sous le charme, Richelieu en abuse pour soigner sa rate. Louis XIV autorise la fabrication de pastilles et de liqueurs. Le mot chocolat apparaît dans le dictionnaire français en 1680. Au commencement de la Régence, il est considéré comme un aliment sain et agréable. 1778 est marquée par le début de la mécanisation et ce n'est qu'en 1847 que sera moulée la première tablette de chocolat. À la fin du 19ème siècle, la culture se répand en Asie et, longtemps après, en Afrique.
Un atout santé
Aujourd'hui, le chocolat n'est plus un luxe puisque les Français en consomment tout au long de l'année et les fêtes autorisent la consommation du délice, culpabilité en moins ! De plus, le chocolat est excellent pour la santé : il contient de la phényléthylamine (PEA). Cette substance chimique se trouve dans le cerveau et provoque une augmentation de la pression sanguine et de l'accélération du rythme cardiaque. Elle est produite en présence de sensations de désir ou de passion. En outre, le chocolat prévient les caries ! Renfermant des éléments qui empêchent la formation de la plaque, il neutralise tout risque de carie lié au sucre. Sa composition en hydrates de carbone digestes en fait un aliment riche en énergie. Mais, au fond, a-t-on vraiment besoin de toutes ces caractéristiques alléchantes pour se laisser tenter ?
Bénédicte Antonin