Elle s’appelait Karla Tucker et les chaînes de télévision ont bien insisté sur le fait qu’elle avait mis huit minutes à mourir… après quatorze ans d’attente dans les couloirs de la mort d’une prison du Texas.
Karla Tucker, sous l’emprise de la drogue, avait assassiné avec un complice un couple de garagiste à coups de pioche. Pour certains, elle n’a eu que ce qu’elle méritait après son crime odieux ; pour d’autres, l’être humain n’a pas à s’octroyer le pouvoir exécutif… Mais, pour les Français, s’agit-il encore d’un réel problème puisque l’abolition de ladite peine de mort remonte déjà à 1981 ?
Comprendre pour ne pas juger
Le principe de l’exécution ressemble fortement au processus de
l’identification à l’agresseur, mécanisme de défense décrit par Anna Freud en 1935, alors que Freud, dès 1920, dans un des chapitres de « Au-delà du principe de plaisir », introduit ce mécanisme.
Ce processus est déclenché par l’angoisse liée à un danger extérieur, angoisse qui va engendrer un phénomène identificatoire à l’agresseur, au point qu’il peut y avoir un mimétisme total, une sorte de
œil pour œil, dent pour dent. Cette loi singulière sévit donc toujours sous couvert de protéger la société. Mais il ne faut pas perdre de vue que l’agressé devient alors agresseur, ce qui ouvre la voie à toute déviation d’un sens premier et ce, bien entendu, à l’aide de rationalisations multiples et variées, plus ou moins convaincantes et satisfaisantes. Et la victime de devenir bourreau…
C’est ainsi que lors d’une émission télévisée, dont un des invités était un humoriste célèbre, une animatrice lui demande ce qu’il choisirait de faire si une fée lui tendait sa baguette magique :
-
Je tuerais les parents d’Hitler !… Et la salle d’applaudir, sous le regard médusé des différents animateurs présents sur le plateau… Freud disait d’ailleurs que
la bêtise humaine fait plus de dégâts que la maladie… Ah ! Mais c’est qu’il avait l’air content cet
artiste, enflé dans son narcissisme (primaire) aveuglant, ne pouvant ainsi réaliser la pathologie de son propos, pathologie confirmée lorsqu’il s’empêtra de façon confuse à expliquer sa peur d’avoir des enfants… Méfiance donc face aux donneurs de leçons, méfiance face aux profils
tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil car, effectivement, un Homme peut potentiellement en cacher un autre.
Quant au cas de Karla Tucker, de ses abominables agissements et, par voie de conséquences, de son odieux parcours de psychotique, de son horrible destin et, pour en revenir à elle plus précisément, il est l’illustration même de la pulsion de mort, pulsion destructrice qui a fait dire à Freud que
tout être vivant meurt nécessairement par des causes internes. Pour certains courants psychanalytiques, il est discutable de dissocier la notion de destin et de pulsion. C’est, du reste, ce qui permet à tout psychanalyste d’envisager l’intérêt du
diagnostic expérimental des pulsions selon le travail du psychiatre hongrois Szondi, freudien, qui a créé un test sur photographies de sorte d’essayer de répondre à une des grandes interrogations de l’humanité : qu’est-ce qui peut bien être à l’origine d’une destinée de prêtre, de médecin, de meurtrier, d’assassiné… ?
Elle s’appelait Karla Tucker…
Puissent les dernières huit minutes de sa vie nous permettre de poursuivre le travail de Szondi. C’est-à-dire chercher à comprendre, puis analyser afin de ne pas juger…
Claire Merlier