Lorsqu'il est question de lit, en analyse, c'est bien évidemment de papa-maman dont il s'agit, avec scène primitive, tabou de l'inceste, angoisse de castration, Œdipe positif (histoire d'amour avec le parent de sexe opposé), Œdipe négatif (même chose avec le parent de même sexe) etc, etc...
On pourrait trouver un sens analytique à cette obligation, qui n'en sera d'ailleurs bientôt plus une, de répondre à l'appel de la nation. En effet, nous pourrions parapher le texte millénaire en faveur de la chose militaire et dire, pourquoi pas : L'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa patrie ? Le problème, c'est que le mot patrie est on ne peut plus ambivalent et laisserait entrevoir une certaine hystérie bien connue de nos livres d'Histoire. Mais ne nous égarons point et continuons notre parcours de con-battant. La castration est normante a dit Lacan, c'est sans doute à cet effet qu'à peine arrivé au sein de la caserne on gratifie l'appelé, non sans quelque relent de sadisme, d'une honorable coupe de cheveux. Lacan a enseigné aussi que le désir naît de la frustration ; quoi de plus juste donc qu'une solde dérisoire pour désirer ardemment la fin de cette période de l'attente du phallus libérateur que symbolisera la quille ? Certes, l'armée serait le passage obligé pour développer ses capacités viriles, telles savoir faire son lit au carré, porter un uniforme prestigieux, saluer son supérieur, apprendre à se défendre contre le méchant, bref toute chose indispensable à tout névrosé souffrant de quelques fixations pré-génitales ! La pire des choses c'est qu'en fait, dévotion et fantasme aidant, on en arrive à une structure inversée, ne respectant pas la psychogenèse, puisqu'il s'agit d'obéir au père-régiment qui obéit lui-même à mère-patrie...
Et comme s'autoriser de soi-même sous-entend avoir pu dépasser son complexe d'Œdipe, l'institution militaire n’est peut-être pas la meilleure des choses pour cela puisqu'il est question surtout de renforcer un surmoi, discutable qui plus est, d'autant que le non-dit, cause de bien des névroses, y est de rigueur ; et n'appelle-t-on pas d'ailleurs l'armée la grande muette ?
Gilbert Roux