Le nombre d'enfants dans une fratrie, leur sexe et leur rang, ne sont pas un hasard. C'est l'émergence du désir inconscient parental qui est donné à voir, d'autant que la famille, telle qu'elle est constituée, est porteuse d'une histoire transgénérationnelle.
Certaines familles ont depuis plusieurs générations le même ordre des sexes, soit un garçon, puis une fille ou vice versa. D'autres généalogies montrent, par exemple, une inversion des schémas à chaque génération, la liste des répétitions transgénérationnelles n'étant pas exhaustive. Certaines stérilités permettent aussi de briser les schémas. Alors, quel phénomène peut expliquer cela ?
Il y a dans toute famille et dès la conception d'un enfant, et même bien avant, des identifications et des désirs inconscients qui seront transmis à l'enfant à naître. Ainsi ceux-ci peuvent-ils être totalement contradictoires avec les désirs conscients, formulés par les parents. Certains veulent à tout prix un garçon (ou une fille) et ne sont jamais satisfaits. Le sexe n'est alors plus seulement une question de chromosomes car, génétiquement, il y a à peu près une chance sur deux d'avoir tel ou tel sexe. Quelques-uns ne seraient donc pas chanceux ! Doit-on rappeler que si attendre un enfant constitue un grand bonheur, vouloir à tout prix soit une fille, soit un garçon peut constituer une difficulté de plus à mettre au service de l'échec... Il faut donc aller chercher plus loin, au niveau des identifications et des dettes familiales, sources de résistance. De fait, des évitements vont-ils se mettre en place, qui permettent de ne pas reproduire le schéma parental, ce qui est souvent le cas lorsque les parents ont été fantasmés mauvais objets. Ainsi, les générations se suivent mais ne se ressemblent pas, bien qu'en y regardant de plus près... la dette fantasmatique est aussi source de changement ; pour exemple, une future mère, sachant qu'à sa place était désiré un garçon, donnera naissance à un enfant mâle pour ensuite s'autoriser à avoir un enfant du même sexe qu'elle ; a contrario, par hystérie de séduction, une femme peut mettre au monde une petite fille afin de ne pas perdre l'amour de sa propre mère. Dans d'autres cas, la stérilité, qui évoque une identification aux parents trop douloureuse, entre autres causes, empêchera de devenir à son tour parent et d'être confronté à son désir inconscient.
Dans tous les cas de figure, l'histoire familiale ne peut être niée. Nous sommes donc « prisonniers » de notre inconscient et de notre généalogie et tenter de déjouer la règle, avec par exemple des régimes censés aider à augmenter les chances d'avoir X ou Y, ne constitue qu'un combat contre nos résistances ; une prise de conscience du processus est le commencement du dénouement du nœud borroméen mais n'est-ce pas là un des rôles de la psychanalyse ?
Chrystelle Marty