Il y a amour et Amour. Paradoxalement, ce distinguo peut nous entraîner sur des voies faciles de raisonnement. À donc utiliser avec prudence... Certes, il y a l'amour but et l'amour sens. L'amour vache, auquel on voudrait nous faire croire, reste – quant à lui – inexact dans sa formulation. Du moins pour l'ensemble des courants psy, peu enclins au jugement puisque soucieux de comprendre que tout individu qui fait du mal a mal. Quoi qu'il en soit, l'amour, affublé ou pas d'une majuscule, se moque un peu de ces balivernes différentielles. Il sait pouvoir résister aux philosophies contradictoires, aux religions manipulatrices, aux idéologies utilisatrices et, surtout, aux couples socio-affectifs en attente de recettes, voire de miracles. L'amour, c'est tout autre chose encore.
Une phrase significative, savamment usitée par d'intelligentes publicités et aux allures d'avis définitif, veut nous pousser « à tout prix » dans les bras du Prince Charmant ou d'une Princesse encore plus Charmante : amour rime avec toujours. En matière de sentiments conjugaux ou même filiaux, nous nous savons le plus généralement dupés par cette pseudo-vérité. Et pourtant, que toujours s'associe sans faiblir avec amour devrait être notre credo. Car, entretenir notre désir d'aimer... toujours... demeure indispensable.
Ce qui abîme les humains que nous sommes est l'alternance de bonnes et de mauvaises intentions. Ces médiocres répliques à ce que nous pensons être bienveillant ou malveillant nous amènent à délaisser régulièrement une nécessité : l'obligation louable de maintenir à un niveau correct de respect et de reconnaissance toute relation à autrui. Persuadés aussi que nous sommes qu'après le beau temps vient la pluie, s'aimer sur un mode continu constitue un écueil de taille supplémentaire. Plus féroce encore, le fait d'adhérer complaisamment à une autre pensée réductrice : l'amour rendrait aveugle ! Quel entraînement précieux et profitable cependant que de pratiquer l'amour − dans toutes ses invitations acceptables − au fil de notre existence. Et, d'ailleurs, qu’y a-t-il de plus paisible au monde que le sourire de l'aveugle que nous aidons à traverser une rue ?
Chantal Calatayud