Jeanne, divorcée, mère de quatre enfants, tenait un petit hôtel-restaurant avec sa mère. Mes grands-parents m'y invitaient quinze jours tous les mois d'août. Bien qu'étant encore une enfant, j'avais une chambre indépendante à côté de la leur. À l'époque et dans ce département déserté du Massif Central, il n'y avait aucun danger à ce que je vive mon indépendance !
Ainsi, j'allais et venais, y compris après le dîner tandis que mes adorables papy et mamy dégustaient lentement leur tisane.
C'est justement en allant et venant à ma guise que je finis par remarquer le manège de Jeanne. Il ne se passait pas un jour sans qu'elle ne rentre dans la chambre d'un client, seul, sous des prétextes fallacieux : porter le plateau du petit déjeuner ou des serviettes, sauf que le Monsieur était dans la pièce à ce moment-là et que je voyais bien qu'elle n'en ressortait qu'au moins une heure après !
Pas question de parler de mes observations à ma famille qui m'aurait rabrouée vertement. De toute façon, je comprenais intuitivement que Jeanne devait faire des choses qui ne se font pas avec des inconnus qu'on ne revoyait plus...
Mes grands-parents sont décédés à quelques mois d'intervalle lorsque j'avais douze ans et je ne sus pas ce qu'était devenue Jeanne... Cependant, je n'ai jamais oublié cette femme dont j'eus la certitude, lors d'un cours de Psycho portant sur l'hypersexualité, qu'elle était nymphomane et qu'il ne s'agissait pas chez elle de prostitution... Effectivement, dans ce processus de sexualité compulsive et obsessionnelle, la distinction s'établit par le fait que les partenaires sont de passage et que la femme nymphomane ne les reprend jamais deux fois comme amant car la personne nymphomaniaque se sent toujours salie après l'acte sexuel, ce qui n'est pas le cas de la péripatéticiene. Ce mécanisme de défense à type de souillure explique pourquoi cette pathologie entraîne une insatisfaction libidinale qui pousse à recommencer pour rechercher le partenaire idéal qui ne sera jamais trouvé...
Carole Vallone