Aldous Huxley,
un autre regard sur le monde

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Son roman « Le meilleur des mondes » l’a rendu internationalement célèbre. Le courant « New Age », notamment, se réfère au point de vue de l’écrivain Aldous Huxley, un homme aux idées avant-gardistes, ami des grands artistes de son temps comme Igor Stravinski, mais aussi profondément attiré par la spiritualité orientale.

La transmission d’Aldous Huxley conseille la vigilance si les êtres humains ne veulent pas que la technologie et les sciences soumettent le monde en faisant croire qu’il existera un jour une « pilule du bonheur ». En ce sens, il rejoint un autre écrivain, George Orwell, avec sa vision d’une société totalitaire décrite dans « 1984 ». Il y fait d’ailleurs allusion dans un discours prononcé à l’Université de Los Angeles en 1962…

Les épreuves
Aldous Leonard Huxley voit le jour le 26 juillet 1894 à Godalming au Royaume-Uni. Il doit à Julia, sa mère, directrice d’école, son goût pour la littérature. Quant à son père, Leonard Huxley, il est écrivain, herboriste et fils de Thomas Henry Huxley, un naturaliste célèbre du XIXème siècle. Enfant doué mais de santé fragile, il n’est pas épargné par les vicissitudes de la vie. En 1908, alors qu’il n’est âgé que de 14 ans, il a la douleur de perdre sa mère, ainsi que sa sœur Roberta. En 1911, le jeune Aldous contracte une maladie des yeux. Elle le rend inapte au service militaire. Grâce à une méthode originale mise au point par l’ophtalmologiste William Bates, il recouvre cependant une vision suffisante pour terminer brillamment ses études à Oxford.

Un regard critique et visionnaire
Alors qu’Huxley pensait être attiré par une carrière de scientifique, le destin en a voulu autrement. Ayant rencontré Bertrand Russel à Oxford, il se dirige vers la carrière d’écrivain et se lie d’amitié avec D. H. Lawrence, auteur prolifique, connu surtout pour son roman « L’amant de Lady Chatterley ». Il publie son premier recueil de poésie en 1916, gagnant sa vie en tant que journaliste, critique musical et critique d’art. Sa profession lui offre l’opportunité de voyager, ce qu’il fait, accompagné de sa femme, Maria Nys, qu’il épouse en 1919 et dont il aura un fils prénommé Matthew. L’année suivante, la petite famille s’installe en Italie où il rend régulièrement visite à son ami Lawrence. 1921 voit la publication de son premier roman, « Jaune de Crome », véritable satire des modes et des travers de la société cultivée de l’époque. L’ouvrage contient déjà les germes du « Meilleur des mondes », l’un des personnages décrivant une « génération impersonnelle » du futur. « Contrepoint », écrit en 1926, est composé comme une œuvre musicale et témoigne de l’excellente culture de l’écrivain dans ce domaine. Mais c’est en 1931 qu’il rédige en quatre mois son œuvre maîtresse « Le meilleur des mondes ». À cette époque, Adolf Hitler n’est pas encore au pouvoir et le totalitarisme stalinien n’a pas commencé…

Une quête mystique
À partir de 1937, l’écrivain décide de vivre aux États-Unis. Il s’installe à Hollywood. Il est scénariste des films « Orgueil et préjugés » de Robert Leonard et de « Jane Eyre » de Robert Stevenson. Mais la mystique et la spiritualité l’intéressent de plus en plus. Il va même jusqu’à expérimenter des substances hallucinogènes dans l’objectif d’élargir la conscience. Il est d’ailleurs parfois considéré comme le précurseur du mouvement hippie. Ses connaissances en herboristerie ne sont pas étrangères à la direction qu’il donne à ses recherches. Un ami, Gerard Heart, l’initie à la philosophie indienne du Vedanta et à la méditation. Il devient végétarien et pratique le yoga. Dans « La Fin et les Moyens », conscient de l’imminence de la seconde Guerre Mondiale, Huxley écrit : Être un homme complet, équilibré, c’est une entreprise difficile, mais c’est la seule qui nous soit proposée. Personne ne nous demande d’être autre chose qu’un homme. Un homme, vous entendez. Pas un ange, ni un démon. Un homme est une créature qui marche délicatement sur une corde raide, avec l’intelligence, la conscience et tout ce qui est spirituel au bout du balancier, et le corps et l’instinct et tout ce qui est inconscient, terrestre et mystérieux à l’autre bout. En équilibre, ce qui est diablement difficile... Sa quête mystique lui fait rencontrer Krishnamurti dont il apprécie l’enseignement. En 1948, il publie « La Philosophie éternelle », ouvrage dans lequel l’écrivain tente un rapprochement des religions orientales et occidentales, ainsi que la description d’une philosophie à mi-chemin de la science et de la mystique.

Une fin de vie « sage »
En 1955, sa femme Maria meurt d’un cancer du sein. Huxley se remarie l’année suivante avec Laura Archera (qui écrira plus tard la biographie de son mari). En 1960 est diagnostiqué un cancer de la gorge. Bien qu’affaibli, il trouve l’énergie d’écrire « Île », un roman qualifié par certains d’utopique. Il s’agit d’un roman philosophique proposant une solution au « Meilleur des Mondes », comme une alternative, sous la forme d’une « troisième possibilité », telle qu’il l’évoquait déjà dans une préface en 1946 : Si je devais réécrire maintenant ce livre, témoignait-il, j’offrirais au Sauvage une troisième possibilité. Entre les solutions utopienne et primitive de son dilemme, il y aurait la possibilité d’une existence saine d’esprit – possibilité déjà réalisée, dans une certaine mesure, chez une communauté d’exilés et de réfugiés qui auraient quitté le Meilleur des mondes et vivraient à l’intérieur des limites d’une Réserve. Dans cette communauté, l’économie serait décentralisée… La science et la technologie comme si elles avaient été faites pour l’Homme et non comme si l’Homme devait être adapté et asservi à elles. La religion serait la poursuite intelligente de la Fin Dernière de l’Homme, la connaissance unitive du Tao ou Logos immanent, de la Divinité ou Brahman transcendant… Selon Laura, qui l’a accompagné jusqu’à son dernier souffle, Aldous Huxley a quitté ce monde paisiblement le 22 novembre 1963, le jour même où le monde apprenait l’assassinat de John F. Kennedy…

Léa Monteiller