Un père adoré en exil… Surnommée ReinetteÀ la demande de son père qui se disait inquiet de l'indifférence maternelle, Jeanne-Antoinette, quand elle a neuf ans, entre dans une maison d'éducation : le couvent des Ursulines. C'est à cette époque que Jeanne-Antoinette rencontre une voyante qui lui annonce : Vous serez un jour la favorite du Roi. Dès lors, sa famille la surnomma “ Reinette ” et sa mère lui rappelle bien souvent qu'elle est un morceau de Roi ! Elle prend cette prédiction pour vérité établie, conditionnée aussi par sa génitrice qui rêve de voir sa fille réaliser ce qu'elle ne s'est pas autorisée. Une sexualité décevanteRentré d'exil sur l'intervention de l'amant de sa femme, Jeanne-Antoinette retrouve son père. Reinette, bien que laissant apparaître les premiers signes d'une indubitable mélancolie, est devenue une jeune fille superbe. Sa mère et Monsieur de Tournehem décident à cette époque-là de faire son éducation mondaine : leçons de clavecin, chant, déclamation, équitation et dessin font partie de son quotidien. Néanmoins, Monsieur Poisson, père abandonnique, continuellement en proie à l'angoisse d'être délaissé, s'interroge sur le bien-fondé de ces enseignements. Mais les deux amants, non sans arrière-pensée, n'en n'ont cure ! Puis Jeanne- Antoinette fréquente le salon de Madame de Tencin, y côtoie de prestigieux personnages tels Messieurs de Montesquieu et Marivaux, se faisant apprécier certes, mais avant toute chose, pour son extrême beauté ! Elle affermit dès lors un narcissisme déjà bien développé qui fait cependant écran à son complexe d'infériorité, issu de son héritage transgénérationnel que l'on retrouve en premier lieu dans son patronyme “ Poisson ” ; au dix-huitième siècle, les poissonniers étaient assimilés aux détrousseurs de gens honnêtes. Également inscrite dans une problématique hystérique, elle refuse finalement de se faire accepter d'un milieu qu'elle pense merveilleux, fuyant son rêve, croyant devoir s'en protéger, l'état de satisfaction la renvoyant à la mort. Obstiné, Monsieur de Tournehem pense trouver la solution à ses problèmes en proposant une alliance familiale et désigne son neveu, Charles le Normand d'Étioles, comme futur époux de sa protégée. Bien que rétif au préalable, une dot colossale, la promesse d'une prise en charge de toutes ses dépenses à venir et la garantie de devenir l'unique héritier d'une grande fortune, mettent fin à ses primes résistances. Le mariage fut célébré dans l'intimité le 9 mars 1741 et Charles tombe sous le charme de cette épouse qui vient de lui offrir sa virginité. Jeanne répète l'histoire maternelle en convolant au même âge, avec un homme qu'elle n'aime pas véritablement. Elle s'éprend du Château d'Étioles, devenu sa demeure principale, dont elle ouvre les portes aux nombreux philosophes et écrivains du moment comme Monsieur de Fontenelle, l'abbé de Bernis, Montesquieu et Voltaire, qui devient son ami intime... Reconnue de ses nouveaux amis, plusieurs salons réputés lui accordent leur entrée. En 1742, elle accouche d'un petit garçon qui meurt en bas-âge. Charles Le Normand d'Étioles, en pleine hystérie de séduction, ayant peur de se voir abandonné par celle qu'il croit forte, la couvre de cadeaux somptueux, dont un théâtre au château et la laisse organiser de somptueuses fêtes et réceptions durant ses absences prolongées ; devenu sous-fermier général, aux ordres de son oncle, il parcourt la France. Il imagine partager un véritable amour, oubliant que son couple s'est forgé sur une union de convenance et refuse de voir l'évidente réalité : Jeanne-Antoinette, magnifique jeune femme, n'en est pas moins frigide. Et c’est par le biais de ses symptômes somatiques qui convertissent l'intolérable jouissance en souffrance corporelle, et de ses crises d'hystérie où son corps traduit ses désirs insupportables, refoulés, que Jeanne-Antoinette vit une sexualité décevante. “ Je ne te trahirai jamais, sauf avec le Roi ”… Favorite du RoiLe 24 février 1745, au bal masqué donné en l'honneur des noces du Dauphin, Madame Le Normand d'Étioles, invitée, paraît en Diane chasseresse, une poitrine sublime à moitié dénudée, séductrice en diable. Le Roi l'entraîne dans ses appartements et l'honore. Éperdue de joie, Jeanne-Antoinette vient d'obtenir ce qu'elle brigue le plus au monde : le pouvoir. En septembre de la même année, le Roi la présente officiellement à la Cour où elle reçoit un accueil mesuré mais elle peut assurer Marie Leszczynska, mère transférentielle, de son total dévouement. Monsieur de Tournehem annonce les faits à son neveu Charles qui s'évanouit. Fou de douleur et de chagrin, ne pouvant se faire une raison et insistant, Monsieur Le Normand d'Etioles a par la suite des menaces d'emprisonnement ; contraint et forcé, il demande la séparation et reçoit en échange la charge de Fermier Général de Premier Maître d'Hôtel, retire définitivement la parole à son épouse et quitte les lieux. Les mois qui suivent, Louis XV reconnaît publiquement Jeanne-Antoinette comme favorite et la nomme Marquise de Pompadour, ce patronyme évoquant instinctivement celui de Madame de Ventadour, qui l'a élevé et qu'il continue à chérir. Un appartement l'accueille au Château de Versailles. Alexandrine, enfant de deux ans, est placée en nourrice et celle qui porte le surnom de Fanfan, petite fille belle, gracieuse, gaie et dotée d'un regard extrêmement vif, commence à répéter l'histoire transgénérationnelle familiale. Un Roi “ volage ” …Le 25 décembre 1745, Madame Poisson, âgée de quarante ans, livre ses derniers conseils et s'éteint. Un cancer, la rongeant depuis plusieurs années, vient d'avoir raison d'elle. Louis XV, espérant réconforter son amante, lui offre sa première résidence personnelle. Dès son installation à la Cour, elle devient mécène des artistes, disposant à volonté de crédits illimités octroyés par sa Majesté, engloutissant des montants astronomiques et sa fortune personnelle dans l'achat d'œuvres d'art, de pièces uniques, réalisées sur commande par des Maîtres – Pigalle, Adam, Van Loo, Boucher, Verberckt... –, ces joyaux étant répartis dans des demeures acquises, transformées et revendues aussitôt ! Ainsi Madame de Pompadour et Louis XV partagent-ils leurs plus belles années, leur passion pour l'art et les conversations mondaines mais joyeuses, le Roi étant friand de plaisanteries à la mesure d'un sadisme oral débordant ! Cependant, après ces quelques merveilleuses années, apparaît la pierre d'achoppement de leur relation affective : Jeanne- Antoinette, qui a connu une trêve provenant de son état amoureux, voit réapparaître sa frigidité. Cette résurgence névrotique la plonge dans une réelle inquiétude : Je suis troublée de la crainte de perdre le cœur du Roi en cessant de lui être agréable. Les hommes mettent, comme vous le pouvez savoir, beaucoup de prix à certaines choses et j'ai le malheur d'être de tempérament très froid… Cette reviviscence est provoquée, en fait, par l'instabilité amoureuse de Louis XV. Il apparaît au grand jour qu'il commence à se lasser de la favorite, attiré par de toutes jeunes demoiselles à qui il ne révèle que rarement sa véritable identité. À Versailles jusqu’au bout !
Alain Laudet
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