Fils de commerçants aisés, le jeune Paul se sent attiré par l’art pictural dès l’âge de 16 ans mais on raconte que Paul Gauguin l’aurait vertement rabroué lors d’une exposition. Alors que l’adolescent était en train de faire un croquis d’après une œuvre d’Edgar Degas, le maître lui dit : On ne copie pas ici, Monsieur… Authentique ou légendaire, cette anecdote a pu contribuer à l’esprit d’autonomie qui jalonne tout le parcours artistique de Paul Signac.
Les débutsLe futur artiste perd son géniteur très jeune. Sa mère décide alors de s’installer, avec son fils unique, à Asnières. Bien qu’il ait eu les capacités et la possibilité financière de poursuivre des études pour devenir architecte, Paul Signac choisit de ne pas passer son baccalauréat et loue une chambre à Montmartre, quartier où la peinture est omniprésente. Attiré par les Impressionnistes, il est particulièrement touché par les tableaux de Claude Monnet. L’admiration qu’il ressent pour son œuvre confirme sa décision de commencer une carrière d’artiste. Il a 18 ans lorsqu’il produit ses premières toiles, sans pour autant s’inscrire dans une quelconque école picturale. De 1881 à 1882, il peint des vues de Montmartre et d’Asnières. Sa rencontre avec Berthe Roblès, cousine éloignée de Pissaro qu’il épousera 10 ans plus tard, l’incite à faire des études de femmes. Abandonnant l’enseignement traditionnel de la peinture, il s’inscrit cependant au cours que dispense Émile Bin. En 1883, il écrit également à Claude Monnet afin d’être conseillé mais il ne lui répond qu’un an plus tard, l’année où le peintre débutant expose sa première toile au Salon des indépendants et fonde ave Georges Seurat la Société des artistes indépendants.
Le Néo-impressionnisme ou PointillismeL’œuvre créatrice de Paul Signac reste indissociable de son amitié avec Georges Seurat. Rencontré en 1883, Georges est de 4 ans son aîné. Il partage la même passion pour les bateaux et a suivi une formation aux Beaux-arts. En 1886, les deux amis exposent à Nantes en compagnie de Camille Pissaro. L’année suivante, Signac et Seurat se rendent à l’inauguration de l’exposition du Groupe des Vingt (Les XX), un courant d’avant-garde bruxellois. Georges Seurat devient alors le chef de file d’un mouvement : le Néo-impressionnisme ou Pointillisme. Il s’agit d’impulser une nouvelle technique consistant à juxtaposer de petites touches de couleurs primaires et complémentaires. Un effet visuel s’opère dans l’œil du spectateur qui perçoit les couleurs secondaires sans qu’elles soient appliquées sur la toile. Le procédé s’étaye sur de véritables études scientifiques et, notamment, sur les travaux de Michel Eugène Chevreuil relatifs à la persistance des impressions lumineuses sur la rétine. Paul Signac participe activement à l’élaboration et à la diffusion de la méthode.
Au carrefour des tendancesAprès la mort de son ami Seurat, le 29 mars 1890, à l’âge de seulement 31 ans, Paul Signac prend la tête du mouvement pointilliste mais, profondément affecté, décide de quitter Paris pour aller naviguer autour des côtes bretonnes et peindre des marines. En 1892, il se rend à Saint-Tropez. Sa technique picturale évolue et il élargit progressivement sa touche, la mer lui inspirant une plus grande liberté d’expression. Parallèlement, il rédige un ouvrage théorique qu’il intitule « D’Eugène Delacroix au Néo-impressionnisme », qu’il publie en 1899. L’ouvrage, traduit en allemand, est régulièrement réédité. Il rend également visite à Vincent Van Gogh, alors interné dans un asile psychiatrique dans le Sud de la France. Désireux de ne pas s’enfermer dans des étiquettes mais fidèle à ceux qui l’ont précédé, celui que l’on nomme désormais « Le père des Indépendants » organise des rétrospectives de Seurat et Van Gogh. À partir de 1905, cet élan pictural novateur se retrouve dans sa villa tropézienne, la Hune, symbolisant une sorte de carrefour de toutes les tendances de l’art moderne. Sont invitées – entre autres – des personnalités aussi différentes que Matisse et Denis.
Un être de liberté, sensible et altruisteL’attrait qu’exerce sa passion pour la navigation vaut à Paul Signac d’être nommé peintre officiel de la Marine en 1915. L’époque très troublée de la Première Guerre Mondiale entame cependant sa créativité et il délaisse quelque peu ses pinceaux. Celui que le critique d’art Félix Fénéon décrit comme insoucieux de toute gloriole, parlant plus volontiers des toiles des autres que des siennes est profondément blessé dans son cœur par les horreurs du conflit. Il reprend toutefois son activité artistique en même temps que ses voyages, jusqu’à son dernier souffle, qu’il rend à Paris en 1935, à l’âge de 72 ans. Paul Signac laisse l’image d’un homme épris de liberté, de non-conformisme, mais aussi d’une sensibilité hors du commun.
Claude Thomas
Quelques oeuvres phares du maître > Les Andelys (1886) |
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