Un grand bouleversement sociétal vient d’avoir lieu. La Première Guerre Mondiale a laissé des villes comme Reims ou Saint-Quentin quasiment exsangues et le monde veut véritablement tourner la page, rompre avec ces quatre années d’horreur. Au niveau artistique, le mouvement cubiste s’organise autour de Braque et Picasso, fidèles à la pensée de Paul Cézanne selon laquelle la nature peut se traiter par le cylindre, la sphère, le cône. Les couleurs primaires et audacieuses du fauvisme sont mises en valeur par Matisse et Vlaminck. L’art nègre est en plein essor. L’architecture, à l’instar de Le Corbusier, se doit d’être à la fois esthétique et surtout fonctionnelle. C’est dans ce contexte des « années folles », influencé par ces différentes approches, que l’Art déco va évoluer jusque dans les années 1940.
Les arts appliquésAppelé parfois « zigzag » à cause de l’abandon progressif des lignes ondulées et sa prédilection pour des formes angulaires, l’Art déco est un style qui s’applique à l’architecture mais surtout au mobilier, aux bijoux et aux créations, sollicitant l’artisanat et l’industrie à une période que l’on nomme l’« ère du jazz ». Volontairement dépouillés, les éléments ornementaux peuvent rappeler le passé mais ces références subissent une nette transformation. Ainsi, les formes se géométrisent et les couleurs privilégient les tons flamboyants et primaires rappelant l’art primitif. Les matériaux utilisés pour les bas-reliefs et autres fresques sont la terre cuite et les carreaux de céramique. On trouve aussi des alliages métalliques modernes, la brique de verre et l’acier inoxydable. Le mouvement touche toutes les formes d’arts appliqués puisqu’il influence aussi le style « garçonne » au niveau de la mode : c’est à cette époque que Coco Chanel dessine son premier tailleur et introduit le bijou fantaisie.
Des lieux représentatifsCertains amateurs de football apprendront peut-être que le stade de Gerland, le 4ème plus grand stade français, réalisé par l’architecte lyonnais Tony Garnier en 1920, est une construction très représentative de l’Art déco. Il est classé monument historique depuis 1967. Deux autres espaces, pour se familiariser avec ce mouvement, sont d’une part le Musée des années 30 à Boulogne-Billancourt et, d’autre part, le Théâtre des Champs Élysées dans lequel se produisent, à l’époque, des musiciens noirs-américains et la célèbre Joséphine Baker. Citons également la « Cité radieuse » à Marseille. Si vous allez à New York, ne manquez pas d’observer le Chrysler Building, du nom de la marque d’automobile.
De la tradition au modernismeLe paradoxe de l’Art déco réside à la fois dans son côté élitiste, traditionaliste et une volonté de modernité visant les couches moins aisées de la population. Ainsi, au sein du même mouvement, deux tendances parallèles émergent au fil du temps. On assiste à la création de meubles en bronze doré, en ébène de Macassar, avec incrustations d’ivoire, aux lignes épurées, anguleuses, rappelant le style Louis-Philippe et restant des pièces luxueuses uniques accessibles à des acquéreurs aisés. D’un autre côté, sous l’influence d’une école allemande, le Bahaus, annonciatrice du design moderne, l’Art déco privilégie également l’apport de techniques industrielles, rêvant d’une fabrication en série abordable au plus grand nombre. Le Corbusier est le premier à le réaliser. Des artistes comme Kandinsky et Paul Klee sont influencés par l’enseignement de son fondateur, Walter Gropius, et posent les bases de l’esthétique actuelle en terme de minimalisme.
Bernard Opaix |
Mentions légales Signesetsens.com ©