Au IIIème siècle avant Jésus-Christ naquit un sujet surdoué : Archimède. Ce savant grec nous a laissé en héritage une œuvre impressionnante, aussi bien en physique qu’en mathématiques et bien sûr, en mécanique. Tout le monde connaît sa fameuse découverte : « Tout corps plongé dans un liquide... »...
En fait, à l’origine, le terme liquide, utilisé maintenant populairement, n’existait pas dans la formulation du scientifique. C’est-à-dire qu’au fil des siècles, du temps ou de... l’eau, a été oublié, quasi généralement, qu’Archimède lui avait préféré le mot fluide. De toute façon, il persiste de quoi nous faire rêver car, qu’il s’agisse de liquide ou de fluide, l’imaginaire non seulement se déclenche mais voyage ! Nos traces mnésiques s’en gargarisent et, finalement, nos corps en redemandent : le principe d’Archimède puise sa source dans le doux souvenir des toutes premières semaines de gestation.
Une véritable vénération
L’eau est donc l’élément originel par excellence. Les mythes en donnent la preuve. Sa vénération traduit à quel point nous redoutons en manquer. C’est ainsi que, tous les ans, les médias nous sensibilisent en traitant largement du thème de la sécheresse. Pour seul exemple, parmi des dizaines, souvenons-nous que les Celtes vénéraient particulièrement les sources en tant que génératrices de bienfaits ; nous gardons d’eux cette jolie coutume, encore usitée, qui peut nous faire jeter une pièce de monnaie dans une fontaine ; la croyance celtique destinait ainsi symboliquement aux divinités de l’eau la possibilité qu’elles satisfassent une succession de cycles positifs : eau - terre - fécondité - richesse - bonheur. Ces dons généreux avaient pour tâche que cette chaîne ne s’interrompe jamais. Outre le baptême et autres rites associés à cet élément indispensable à la survie de toutes les espèces terrestres, l’eau apparaît par déduction manifestement intelligente ! Sa capacité purificatrice se retrouve invariablement dans de nombreuses civilisations anciennes et leurs bains rituels ; le Gange continue de nos jours à recevoir la même reconnaissance des Hindous.
Une source de vie
L’intelligence remarquable de l’eau jaillit d’évidence dans son adaptabilité. Ce liquide subtil, indépendamment du fait qu’il épouse parfaitement les formes du récipient qu’on lui attribue, est en son essence insipide, inodore et sans saveur. L’eau nous laisse, de fait, toutes nos libertés. Retrouvant, grâce à ses qualités, l’empreinte du giron maternel, cette bonne « eau de vie » présente quelque chose de surnaturel. Les peintres ne s’y trompent pas, eux qui la déclinent sur le mode de l’atmosphère. Narcisse s’en servit comme miroir. L’expression
être comme un poisson dans l’eau explicite, sans ambiguïté, le rapport privilégié que nous entretenons avec ce liquide énigmatique. L’écologie humaine se mobilise en sa faveur, n’admettant pas qu’on le souille ou le pollue. On le sait : on prend soin de l’eau depuis toujours. On la divinise, on la respecte, on la vénère, on la protège, on la prie, on la supplie. Cependant qu’elle ne se laisse pas contrôler à l’instar d’une bonne mère. De l’ordre de l’intelligence du cœur, l’intelligence de l’eau existe bel et bien : elle nous rassure et peut aussi nous menacer de façon anticipatoire ; ainsi se fait-elle préventive. C’est pour toutes ces raisons qu’elle nous sécurise. Elle éteint le feu dévastateur, tout comme elle nous rappelle à l’ordre. Celui, tout simple, de la nature. Le nôtre.
Chantal Calatayud