L’acceptation n’est pas la résignation, accepter aboutissant toujours à l’action juste. L’acteur Bernard Giraudeau, face à son cancer, parlait de l’acceptation sous-jacente fondamentale commune à tout être humain, celle de sa finitude. À partir de cette compréhension, la maladie aide à aller à l’essentiel et peut être dépassée…
Regarder la maladie bien en face revient à lâcher nos peurs les plus archaïques, dont la plus résistante est celle de la mort. Pour y parvenir, il s’agit justement d’accorder sa compréhension à ce qui est vécu, c’est-à-dire de donner du sens à cet obstacle qu’il convient de ne pas nier, tout en ne se laissant pas écraser par lui.
Une limite parlante
Une somatisation, aussi bénigne soit-elle, implique la notion de limite. Pour un temps plus ou moins long, le rythme quotidien est perturbé. Toutefois, cette limitation s’exprime. Marc, travaillant depuis des décennies 10 heures par jour dans un cabinet d’expertise comptable, apprend qu’il est atteint d’un cancer de la prostate. Passés le choc et la révolte dus à un profond sentiment d’injustice, il commence, petit à petit, à envisager cette « fatalité » autrement. Il réalise que sa maladie l’oblige à se recentrer sur lui, à renoncer à sa fuite en avant et à se croire immortel. Son travail lui apparaît maintenant comme une sorte d’anesthésie existentielle. Lui, qui était réfractaire à la spiritualité, se surprend à ouvrir la Bible, à prendre en considération sa femme, ses enfants. Tout en suivant son traitement, il s’inscrit à un cours de yoga. Curieusement, témoigne-t-il, ce cancer a révélé un pan de mon être que je ne soupçonnais pas. Pas question pour autant de baisser les bras. Je suis conscient de ce qui m’arrive et j’en connais les implications. Mais je vais faire en sorte que cela me gêne le moins possible…
La face cachée
Une fois acceptée la réalité organique de la maladie, il devient donc nécessaire d’aller plus loin. Thorwald Dethlefsen, auteur de « Un chemin vers la santé, sens caché de la maladie et de ses différents symptômes », explique que la maladie ne connaît qu’un but : nous rendre sain (saint). Si nous comprenons le langage que véhicule un symptôme, il nous indiquera ce que nous devons faire. Vu sous cet angle, il n’est plus question de lutter contre mais de faire avec. Cette vision n’est pas étrangère à la psychanalyse qui considère tout désordre somatique comme étant le résultat d’un conflit psychique. Nos symptômes, continue Dethlefsen, ont davantage à nous apprendre que nos plus proches parents ou amis car ils sont nos partenaires les plus intimes, ceux qui nous connaissent vraiment. Et plus loin : La guérison passe par la transmutation d’une maladie et non par la victoire sur un symptôme. Et encore : Maladie et guérison sont des concepts qui vont de pair, qui sont en rapport avec la conscience et non avec le corps. Un corps ne peut être sain ou malade, il n’est que le reflet de l’état de conscience auquel il est lié…
Un chemin initiatique
Étonnant paradoxe que le témoignage de ces malades connus ou anonymes qui disent avoir vogué vers plus de sagesse en dépassant leur maladie. Témoin l’écrivaine Christiane Singer, transmettant dans « Derniers fragments d’un long voyage », un message plein d’espoir : On peut bien sûr être malade, cruellement malade pour avoir confirmation de sa malchance et toutes les raisons de se lamenter. Beaucoup vivent la maladie comme une pause douloureuse et malsaine. Mais on peut aussi monter en maladie comme vers un chemin d’initiation, à l’affût des fractures qu’elle opère dans tous les murs qui nous entourent, des brèches qu’elle ouvre vers l’infini. Elle devient alors l’une des plus hautes aventures de la vie. Si tant est que quelqu’un veuille me la disputer, je ne cèderai pas ma place pour un empire…
Véronique Nadal