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La santé et la forme
dans Signes & sens
Ce qu’il faut savoir
sur la pilule
anti-vieillissement
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La DHEA est-elle réellement l’élixir de jouvence ou la pilule anti-âge annoncée par les médias ? À ce jour, le débat persiste... Ceci étant, le mythe de la quête du Graal n’est pas loin dans l’inconscient et explique déjà l’engouement du public pour ce produit.
Les différents récits sur le Graal retracent la recherche d’un mystérieux vase dont le contenu serait, selon certains narrateurs, un liquide de vie, source d’abondance et de longévité. Dans le roman de Perceval ou conte du Graal, Perceval a aperçu un jour le Graal accompagné de « la lance qui saigne ». Spirituellement parlant, il pourrait s’agir du sang du Christ, crucifié après avoir été transpercé par la lance du soldat romain. Symboliquement le Graal, « objet magique », allie à la fois un principe féminin par son rôle de contenant et un principe masculin par la lance, de forme phallique. Élixir de longue vie, son absorption guérit les plaies jugées mortelles et redonne à l’homme vigueur et jeunesse. Le film de Steven Spielberg, « Indiana Jones », illustre bien cette fonction du Saint Graal puisque dans l’une des dernières scènes, le Professeur Jones, blessé, échappe de justesse à la mort grâce au Graal. Certaines vertus de la DHEA présentent des similitudes avec cette substance ; dénommée pilule anti-vieillissement, celle-ci est une hormone naturelle produite par nos surrénales. « Pilule mère », elle donne naissance à d’autres hormones, comme les hormones sexuelles: la testostérone à fonction masculine et l’œstradiol, féminine. Cette pilule est présentée comme vecteur d’une jeunesse quasi éternelle avec des effets essentiellement redynamisants, antiasthéniques, une peau plus jeune, plus lumineuse, plus souple, une libido de meilleure qualité.
Le principe de précaution
La DHEA est arrivée en France en 2000 et a produit l’effet d’une véritable déferlante. Cependant, les comprimés étaient déjà en vente libre aux États-Unis depuis 1994, comme complément alimentaire et non comme médicament. Une étude de grande envergure, la DHEA âge, mise en place sur 1998-1999 par les Professeurs Baulieu, Farette et Legain, a conclu aux bienfaits de la DHEA en matière de densification osseuse (donc de prévention de l’ostéoporose), de libido et de qualité de peau, sans effets secondaires importants. En revanche, le collège d’experts mandatés par l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) n’a pas jugé convaincante la démonstration des réels bénéfices de ce produit. Selon leurs travaux, l’étude ne permet pas de démontrer d’effets positifs pour cette molécule : Il n’est pas possible en l’état actuel des connaissances d’identifier une concentration de base de DHEA en deçà de laquelle un déficit avec retentissement clinique justifierait un traitement substitutif, ont-ils conclu. L’origine du produit est végétale dans tous les cas mais il n’est donc pas possible à l’heure d’aujourd’hui d’assurer la pureté de sa production. Quoi qu’il en soit, la prise de DHEA s’accompagne d’une diminution du bon cholestérol avec un retentissement cardio-vasculaire potentiel, un risque d’induction ou d’aggravation de cancer hormono-dépendant (sein, utérus, prostate). La DHEA reste un produit en cours d’étude pour certaines insuffisances surrénaliennes mais aussi pour une maladie comme le lupus. Ainsi, le principe de précaution prévaut, la DHEA n’étant pas reconnue comme médicament mais pouvant être obtenue directement par Internet ou en pharmacie sur ordonnance : paradoxe ! Info ou intox, à l’heure d’aujourd’hui nul n’a tranché. Pourtant, au niveau du grand public, les ventes marchent... Bien ciblé, le produit s’adresse à une angoisse vieille comme le monde pour l’Homme : l’angoisse du temps (qui passe) et son cortège de dégradations à la fois sur le plan physique et mental, avec l’issue inéluctable, fatale de la vie... Sous son appellation jeunesse éternelle, la DHEA se propose de traiter une maladie qui n’en est manifestement pas une : la vieillesse ! Nous vivons d’ailleurs actuellement dans une société continuellement préoccupée par l’apparence, principe véhiculé au quotidien par un grand nombre de stars et d’hommes publics.
Une molécule à désidéaliser ?
En admettant même que la DHEA soit dépourvue d’effets réels, il est admis en médecine que tout médicament placebo (sans produit actif) peut amener un soulagement pour le patient. L’absorption de la DHEA est associée à l’image qu’elle véhicule et intervient au niveau de la psyché comme élément apaisant et sécurisant pour le sujet puisqu’il s’agit d’une hormone déjà produite par son corps. Sa fonction de précurseur des hormones de la sexualité n’est pas anodine pour un inconscient qui récupère au niveau fantasmatique des éléments sexuels masculin et féminin, en sachant que le principe mâle est synonyme de pouvoir, de puissance. La libido s’en trouve nécessairement renforcée et un sentiment de bien-être peut s’installer. L’introjection de cette substance nourrit le sujet par un mécanisme psychique inconscient et devient, pour lui, un vecteur de plaisir, d’énergie et de forme sexuelle retrouvés. Le psychisme est régénéré et le corps exulte : le teint est lumineux, l’œil vif, les somatisations s’éloignent !
Cependant et quelle que soit la réalité de l’efficacité de la DHEA, cette « jeunesse retrouvée » peut-elle s’imposer durablement ? Comme pour tout médicament, le risque d’amoindrissement thérapeutique (pilule devenue moins active) est prévisible... De toute façon et en général, en prenant de l’âge, le principe de réalité s’affirme (enfin ?) et notre image nous le rappelle au quotidien. La sagesse d’une vie n’est-elle pas alors essentiellement d’accepter ce corps et ce visage qui évoluent au fil des ans ? Ne serait-il pas plus logique, surtout équilibrant et salvateur, de prendre conscience de sa propre richesse (évolutive) en terme d’expériences et de... temps ?
Docteur Laurence Pescay
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