L’agressivité est inhérente à l’Homme. Au cours de son évolution, celui-ci a tenté de la juguler en instaurant certaines règles. Ainsi, en quelque sorte, les sports d’équipe sont une façon de mimer la guerre sans faire de mal.
Freud a postulé que l’inconscient est irrémédiablement animé par deux pulsions : la pulsion de vie, et la pulsion de mort qui engendre de l’agressivité, contre l’autre ou contre soi. Le rugby est une façon majeure de sublimer cet instinct guerrier sous forme d’une combativité mise au service d’un groupe… Observer le rite de l’équipe des All black, avant un match, permet de comprendre que pour certains, il s’agit bien d’une bataille qui se prépare à l’aune d’une partie de rugby. Casque d’or fut même, dans les années 80, le surnom donné au capitaine (encore un terme militaire) de l’équipe de France. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard de l’Histoire si la rencontre France/Angleterre suscite encore autant de passion.
Un comportement étonnant
On retrouve dès le Moyen-Âge des jeux comme la soule en France, le knappan au Pays de Galles, le hurling en Cornouailles : ils s’apparentent tous à la conquête d’un camp adverse par l’intermédiaire de ce qui n’était pas encore à l’époque le ballon rond ou ovale moderne. C’est sur le terrain du principal collège de la ville de Rugby, en Angleterre, que s’enracine la légende. C’est en effet au cours d’une partie de football, en l’année 1823, que William Webb Ellis, élève de la Rugby School, ne fait pas comme les autres. Un instinct le pousse à porter dans ses bras le ballon derrière la ligne de but adverse, alors que la tradition était de le pousser au pied. Par cette transgression, une sorte de schisme se fait jour entre le jeu au pied et le jeu à la main. Le rugby est né… Il n’est d’ailleurs pas rare aujourd’hui d’entendre, sous forme de gentille boutade, un rugbyman traiter un footballeur de manchot…
L’esprit d’équipe
En 2008, ce que l’on nomme l’ovalie compte environ 3,5 millions de licenciés à travers le monde. Même si ce nombre reste inférieur à celui des footeux, la création récente de la Coupe du monde prouve bien l’engouement que suscite ce sport qui réclame des qualités physiques diverses selon le poste occupé : notamment la rapidité pour les lignes arrières chargées de percer, la puissance des avants dont la tâche est d’enfoncer les lignes adverses. Mais s’il s’agit d’un jeu certes guerrier, le code d’honneur y est important. N’oublions pas qu’il est né chez les gentlemen ! Dans les écoles, le rugby éducatif fait prendre conscience de l’importance du rôle de chacun. Comme tout sport collectif, il enseigne la solidarité, l’esprit d’équipe. Il est possible, encore une fois, d’y décharger son agressivité mais selon des règles strictes…
La troisième mi-temps
Après en être venu aux mains et aux pieds – en ce qui concerne la possession du ballon –, les rugbymen se retrouvent pour la troisième mi-temps, à fêter dignement la victoire ou la défaite… Paradoxalement, il n’y pas plus de violence – il y en a souvent moins – que dans d’autres sports collectifs. Le fait est que l’engagement physique est tel qu’il ne reste plus d’agressivité pour les dérives qui, si elles existent, ne sont le fait que d’individus immatures. Une troisième mi-temps réussie, c’est lorsque l’agressivité transformée positivement laisse la place à la convivialité. Finalement, le rugby est une belle sublimation de nos pulsions les plus agressives. Se dé-fou-ler loyalement sur un terrain de rugby, c’est justement permettre à la troisième mi-temps d’avoir le dernier mot…
Paul Riggio
N’ayez pas peur !
Guylaine, 35 ans, appréhende que son fils François, 10 ans, fasse du rugby. Pour elle, il s’agit d’un sport trop violent. Elle confie son angoisse à une psychanalyste qui lui explique qu’elle fait une erreur en projetant son anxiété et en privant son fils, au demeurant timide, d’une occasion d’exprimer une agressivité qu’il risque, sinon, de retourner contre lui. Il existe en effet dans l’inconscient un processus, nommé retournement de la pulsion en son contraire, qui peut faire plus de dégâts qu’une saine combativité sur un terrain de sport. N’ayez pas peur, lui dit la thérapeute, d’autant que ce n’est pas vous qui allez jouer mais votre fils !
