La pratique d’une activité sportive, entre autres avantages, possède la particularité d’entraîner une libération d’endorphines amenant un certain bien-être, ainsi qu’une sensation de plénitude. Jusque-là, rien d’anormal ! Pourtant, l’OMS considère comme une véritable maladie un comportement concernant environ 15 % des personnes s’adonnant à leur sport favori de 1 heure à plusieurs heures par jour, au point d’en devenir dépendantes. Cette addiction a pour nom « bigorexie »…
La bigorexie ne reste cependant problématique que lorsqu’elle est accompagnée d’une quête obsessionnelle (devenir mince, musclé…) et que les sphères affective et sociale s’en trouvent perturbées. C’est le cas, par exemple, d’un adepte qui en vient à négliger sa relation de couple et même sa vie professionnelle en organisant toute son existence autour de son obsession, finissant par mettre en danger sa santé. Les psys évoquent la présence d’une sorte de faille narcissique à trop vouloir repousser ses limites en quête d’une illusoire estime de soi.
Une addiction singulière
Selon les constatations faites par des addictologues spécialisés dans la bigorexie, ce sont les sports individuels qui sont le plus concernés par cette forme de dépendance. Comme si le sujet se mettait en rivalité avec lui-même. Parmi ceux-ci, le culturisme arrive en tête, suivi par les disciplines d’endurance comme la course à pied. La personne atteinte par cette forme de pathologie est obsédée par l’apport de protéines (pour le culturiste), pouvant même se confectionner ses repas en solitaire et ne plus s’installer à la table familiale ! Quant au runner, il enfile ses baskets par n’importe quel temps et va courir même s’il est souffrant. L’affection a été mise en avant par un médecin psychiatre, le docteur Aviel Goodman, dans les années 1990. Goodman définit la bigorexie comme relevant d’un besoin irrépressible et compulsif de pratiquer régulièrement et intensivement une ou plusieurs activités physiques, et ce malgré les conséquences négatives à long terme sur la santé physique, psychologique et sociale… Les risques physiques notés fréquemment sont les déchirures musculaires, les tendinites, les accidents graves de type fractures et infarctus. En règle générale, les bigorexiques s’entraînent en dépit du bon sens. Ils en prennent heureusement conscience lorsqu’ils acceptent de suivre les conseils d’un vrai professionnel. Dans le cas contraire, s’installe un déni total générant alors une rupture avec les proches, aberration poussant à augmenter la fréquence de l’activité pour contredire l’entourage !
Comment en sortir ?
Comme n’importe quelle addiction, le premier pas consiste à accepter l’idée que la dépendance a pris le pas sur le plaisir. Consulter un spécialiste de la psyché aide à comprendre la cause sous-jacente de cette forme de masochisme. Quant au coaching, il préconise de diversifier les activités mais surtout d’éviter de pratiquer en solitaire. Il est question d’assouplir le côté contrainte à n’importe quel prix. Le docteur Laurent Karila, co-auteur de « Accro », attache une grande importance au fait de ne pas banaliser, ni de se moquer de la bigorexie. Une personne addict est quelqu’un qui souffre, précise-t-il. On va lui réapprendre à retrouver du plaisir en travaillant autour du thème du sport. On va travailler à substituer la pensée « J’ai mal, donc je fais du sport » par « J’ai mal, je fais autre chose que du sport »… Quoi qu’il en soit de la discipline thérapeutique utilisée, le principe demande de toute façon à stopper ce comportement de fuite démoniaque.
Georges Herriot