Si le sport possède ses règles, c’est bien au nom du respect de l’adversaire, histoire d’établir un cadre dans lequel la créativité du pratiquant puisse se libérer dans les meilleures conditions. Et si créativité il y a, elle demande à sortir des sentiers battus, donc à désobéir en quelque sorte aux injonctions de limites limitatives…
On a parfois injustement affublé les pratiquants sportifs d’un manque de discernement, voire – souvent d’ailleurs de la part de non-sportifs – d’une soumission béate due à un manque de réflexion. Ce jugement obéit à un complexe d’infériorité.
Un ferment de liberté
À la fin du XIXème siècle, Pierre de Coubertin a voulu mettre le sport dans le programme éducatif. Il s’est cependant vite heurté à des résistances de la part des pédagogues de l’époque qui, au nom de l’épanouissement du jeune collégien, s’alarmèrent du ferment de liberté que le sport allait faire pénétrer dans un collège français resté de stricte discipline napoléonienne. Une autre opposition venait des tenants d’un clivage corps/esprit, héritiers d’une morale judéo-chrétienne qui tenait le corps comme quantité négligeable et à négliger ! Le célèbre fondateur des JO a bousculé ces rationalisations en écrivant dans son traité « Pédagogie sportive », en 1922 : La légende du sport, rebelle par définition aux choses de l’esprit, n’a plus cours. C’est un vieux cliché désuet… et … On serait amené à conclure que le sens critique se développe mieux chez le sportif que chez le non-sportif. Ce n’était finalement que l’application de la vieille citation oubliée de Juvénal, poète satirique latin de la fin du Ier siècle et du début du IIème siècle : Mens sana in corpore sano (un esprit sain dans un corps sain). Et puis Juvénal, auteur de seize « satires », était à son époque loin d’être politiquement correct !
Une rébellion sublimée
La sublimation est un processus qui canalise, selon la psychanalyse, la libido ou pulsion sexuelle vers des buts socialement valorisés. Les grands sportifs, comme le célèbre footballeur Éric Cantona, pour ne citer que lui, ne sont jamais des personnalités tièdes. On peut se demander d’ailleurs si ce grand joueur de football aurait pu réussir les gestes créatifs qui l’ont fait connaître s’il n’avait été ce rebelle. Ce qui lui a, il est vrai, causé quelques désagréments mais sans l’empêcher de continuer une carrière dans le cinéma, autre mode de sublimation… Tous ces champions rebelles ont trouvé dans le sport un espace d’expression propice à leur combativité. Souvenons-nous du boxeur Cassius Clay, alias Mohamed Ali, qui a fait rêver des générations au-delà même du monde sportif. Ainsi, sport et créativité ne peuvent pas faire bon ménage avec une obéissance aveugle…
Le plaisir de jouer gagnant
C’est parce que le sport, indépendamment d’une profession, doit rester un plaisir qu’il n’y est pas question d’obéir à des injonctions d’un autre monde. Gaël, 21 ans, lors d’un stage de voile, a fait comprendre à un moniteur qu’il était là pour s’initier à cette activité et non pour se faire réprimander à la manière d’un nul. Je lui ai expliqué que j’étais en passe de devenir enseignant, confie-t-il, et que je n’acceptais pas la façon spartiate dont il usait pour enseigner une activité à des débutants… Il ne faut pas confondre sport et rapports de domination, même dans une compétition où la règle veut qu’il y ait un gagnant et un perdant. Le sport n’est certainement pas vecteur de diktats, devant permettre, à l’inverse, de libérer – entre autres – une louable persévérance.
Roger Garnier
Ces sportifs qui assurent !
Il est bien fini le mythe du sportif qui n’aurait rien à dire : après Jean-Pierre Rives pour le rugby, Yannick Noah pour le tennis, Rolland Courbis et Bixente Lizarazu pour le football, l’année 2008 a vu des athlètes oser dire leurs quatre vérités et pousser leur coup de gueule ! Ainsi, dans « Rien ne sert de courir » aux Éditions Grasset, Marie-José Pérec ose parler en direct de son histoire en brisant bien des tabous. Quant à Emmanuel Petit, il a écrit une autobiographie, « À fleur de peau » publiée chez Prolongations, dans laquelle il n’hésite pas à livrer ses questionnements, voire ses critiques sur l’univers footballistique, tout en ayant l’humilité et le courage de montrer ses failles. Pas de langue de bois non plus pour Patrick Vieira qui, dans son ouvrage « Ne renonce jamais ! » chez Michel Lafon, fait œuvre de transmission pour toute une génération de débutants. On peut ajouter aussi « Luis contre-attaque » écrit par Luis Fernandez, chez Hugo et Compagnie et « Ma onzième haie » de Ladji Doucouré aux Éditions Prolongations…